LA thèse macro
La crise chinoise : risque ou opportunité ?
Depuis le 1er janvier 2020, le Hang Seng Index (l’indice de la bourse de Hong-Kong) a perdu 42% de sa valeur. 4 ans après avoir fleurté avec les 30 000 points, l’indice côte aujourd’hui à 16 350 points. Sacrée dégringolade, pas vrai ? La raison pour laquelle nous nous nous intéressons à cet indice, c’est parce qu’il compte en son sein une grande majorité d’entreprises chinoises : c’est donc un bon indicateur de la « santé économique » de l’Empire du Milieu. Visiblement, la Chine est malade. Va-t-elle guérir ?
la crise chinoise
Point introductif
Afin de comprendre la situation actuelle, il était essentiel de réaliser quelques rappels factuels à propos notre sujet.
La Chine est aujourd’hui la deuxième économie mondiale derrière le géant américain : son PIB a atteint le chiffre stratosphérique de 17 963,17 milliards de dollars l’année dernière. Mais derrière cette réalité de mastodonte, se cache l’histoire d’un rattrapage économique inédit incarné par un homme providentiel.
Qui donc ? Deng Xiaoping. Durant les années 1990, la Chine a entamé transformation économique impulsée par son leader communiste, marquant le départ de réformes axées sur l’économie de marché. Des zones économiques spéciales (ZES), telles que Shenzhen et Zhuhai, ont ainsi été créées pour attirer les investissements étrangers : une politique en rupture totale avec le traditionnel isolement chinois. La Chine est ainsi rapidement devenue « l’atelier du monde« , avec une croissance explosive des exportations, notamment dans les secteurs électronique, textile et des jouets.
L’émergence du géant, qui s’est notamment traduite par un taux de croissance économique annuel atteignant en moyenne 10% pendant plusieurs décennies, a évidemment été porté par une croissance démographique hors-norme : entre 1960 et 2023, le nombre d’habitants en Chine est passé de 667,07 millions à 1,43 milliards, soit une augmentation de 113,7% en 63 ans.
Durant les dernières années (et c’est important de le comprendre), la Chine a entamé une mutation profonde de son économie. Le secteur immobilier est d’abord devenu un véritable pilier de son économie nationale après la crise de 2008, représentant aujourd’hui près de 30% de son économie nationale. Aussi, la Chine a fait le choix fort de développer son marché intérieur afin de réduire sa dépendance à ses exportations. Concrètement, cela signifie que l’enrichissement global du pays s’est traduit en l’émergence d’une classe moyenne chinoise, capable à son tour de consommer ce qu’elle produit. Enfin, la Chine est « montée en gamme » dans ses exportations Aujourd’hui, elle n’exporte plus du textile, mais des biens à forte valeur ajoutée tels que des composants électroniques ou encore des voitures électriques. Sur le papier, tout semblait prometteur, et pourtant…
la crise chinoise
Comprendre la crise chinoise
Le constat est catégorique, la Chine est à bout de souffle depuis la crise sanitaire. Son taux de croissance en 2023 a été annoncé à 5,2%, le chiffre le plus faible qu’elle ait connu en trois décennies (hors Covid). Pourquoi ?
Tout d’abord, la Chine est frappée depuis plusieurs années par une forte crise immobilière qui semble avoir pris un tournant récemment avec la faillite d’Evergrande, le leader national de la promotion immobilière. Depuis plusieurs années, l’emprunt était très facile d’accès en Chine. Ajoutons à cela une population qui augmentait année après année, les promoteurs se sont lancés dans des programmes de construction sans limite. L’offre de logement a donc explosé, à tel point qu’elle n’a pas trouvé preneur ! D’énormes chantiers ont été laissés à l’abandon, lesquels avaient été naturellement financés à crédit… Et puis la bulle explose. Une bulle qui pèse pour près d’un tiers de l’économie nationale, rappelons-le.
À titre d’illustration, le cours de bourse d’Evergrande est passé de 4,05$ en octobre 2017 à moins de 3 cents aujourd’hui.
À cette crise immobilière, ajoutons une crise démographique ! En 2023, la population chinoise a diminué de 2 millions de personnes, conséquence logique de la très connue politique de « l’enfant unique ». Le problème d’une population qui diminue, c’est qu’elle pousse vers le bas la consommation intérieure, laquelle est motrice de croissance économique. Or nous l’observons depuis plusieurs mois, la Chine est entrée dans une période de déflation : parce que la consommation baisse, les prix diminuent, lesquels incitent les ménages à consommer encore moins (en attendant de baisses plus fortes) : un véritable cercle vicieux. Ajoutons à cela également que le taux de chômage des jeunes connait un niveau record. Et s’il n’y avait que ça…
En plus d’une crise économique intérieure, la Chine est au centre de nombreuses tensions géopolitiques. En janvier dernier, l’élection de Lai Ching-te, féru défenseur de l’indépendance de Taiwan, a ravivé de fortes tensions entre les deux entités ; et ce alors même que le marché des semi-conducteurs (essentiels notamment au développement de l’intelligence artificielle) est totalement en proie à la relation entre les deux « pays ». Ajoutons à cela les tensions historiques qui opposent les États-Unis au géant chinois, le tout exacerbé par une élection présidentielle à venir outre-Atlantique…
La crise chinoise
Faut-il vraiment « enterrer » l’Empire du Milieu ?
Évidemment, compte-tenu de l’ensemble de l’ensemble de la situation, l’avenir paraît compromis. Et les investisseurs l’ont d’ailleurs compris : si le HSE a perdu 42% de sa valeur en 5 ans, c’est notamment parce que le montant des investissements étrangers s’est élevé à 33 milliards de dollars en 2023, un plus bas depuis 1993.
La Chine traverse une crise de confiance, c’est une réalité. Mais ça, tout le monde le sait, et surtout tout le monde l’a intégré (il n’y a qu’à observer le cours du HSE).
Le hasard (ou pas) faisant bien les choses, rappelons qu’en mandarin, le mot crise est traduit par deux idéogrammes : risque et opportunité. Vous nous voyez donc venir, pas vrai ? Les risques, nous les connaissons, ils ont été exposés ci-dessus. La question devient donc : y’a-t-il une opportunité sur les marchés chinois ?
Notons que le gouvernement chinois a débuté une politique volontariste pour soutenir ses marchés financiers : plusieurs mesures ont donc été annoncés. D’abord, Xi Jiping a annoncé l’achat d’actions chinoises sur la place de Hong-Kong à hauteur de 278 milliards de dollars (rien que ça), le tout via son fonds étatique Huijin Investment. Plus encore, le responsable du régulateur de la bourse (CSRC) a été renvoyé, et le gouvernement a décidé de limiter la possibilité de « vendre à découvert » les actifs chinois.
Ces récentes mesures sont fortes de symbole : elles sont le signe que les autorités nationales ne laisseront pas leurs marchés s’effondrer davantage, et qu’elles sont enclins à restaurer la confiance des investisseurs. L’indice HSE a d’ailleurs rebondi de 9% depuis fin janvier.
Ajoutons à cela que la Chine a parfaitement la capacité d’établir un plan de relance national qui lui permettrait de « sortir la tête de l’eau » durant les prochaines années. « Et plus l’économie va se dégrader, plus le gouvernement aura la pression pour agir sur les leviers dont il dispose », analyse pour La Tribune, Bruno Vanier, président de Gemway AM.
Enfin, rappelons que la Chine jouit de plusieurs géants mondiaux aux fondamentaux très solides, qui dans le cas d’un rebond chinois, pourraient en profiter. Des entreprises comme Alibaba (e-commerce), BYD (mobilité douce), Huawei (téléphonie) ou encore Tencent (services internet).
On dit souvent qu’il ne faut pas « rattraper un couteau qui tombe », mais l’avenir nous dira si le « couteau chinois » valait la peine d’être rattrapé. En attendant, nous continuerons à suivre de près la situation, comptez sur nous.
Martin Decanter
Analyste, auteur et coach - Certifié AMF
Martin, expert en macroéconomie et pédagogue, combine formation en finance et expériences en gestion de patrimoine et analyse stratégique.
Au sein de Finneko, il est responsable des analyses économiques et œuvre pour démocratiser l'accès à l'investissement notament via des contenus vidéo (Formation et Youtube).
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