GUIDES
La déflation
« Si l’inflation est le génie, alors la déflation est l’ogre qu’il faut combattre avec vigueur ». Voilà ce que déclarait Christine Lagarde en janvier 2014, alors présidente du Fonds Monétaire International (FMI). Cela devrait faire écho à la situation inflationniste que nous vivons depuis 3 ans maintenant, non ? Et ça semble même paradoxal : la déflation étant la baisse généralisée du niveau des prix, on pourrait l’accueillir intuitivement comme une bonne nouvelle puisqu’elle serait « apparemment » synonyme de hausse du pouvoir d’achat. Il n’en est rien, et c’est tout l’objet de cet article.
La déflation
De l’introduction « théorique »…
Rappelons d’abord que l’inflation consiste en la hausse du niveau général des prix. C’est un concept qui devrait vous être familier dans la mesure où il gangrène notre quotidien depuis plusieurs années maintenant (bien que nous en venions bientôt à bout, mais là n’est pas le sujet). Puisque tout n’est « qu’offre et demande », comprenons que l’inflation peut être la conséquence d’une hausse de la demande globale (si les ménages consomment davantage, si les entreprises investissent davantage, etc) ou bien d’une baisse de l’offre globale (si un évènement externe impacte la capacité des entreprises à produire comme une hausse soudaine des cours du pétrole). Conséquence de l’inflation pour la population : le pouvoir d’achat diminue.
Ceci-dit, la déflation doit être comprise comme un concept « inverse » : les prix diminuent de manière générale car la demande globale s’essouffle (si l’économie s’arrête comme pendant les confinements par exemple) ou bien l’offre globale augmente (les entreprises produisent trop et sont obligées de brader leur production, etc). Les causes de la déflation s’opposent donc fondamentalement à celles de l’inflation. Pourtant, les conséquences ne suivent pas ce même schéma. On pourrait a priori imaginer qu’une baisse du niveau général des prix serait une bonne nouvelle, ce serait en quelque sorte « les soldes ». En réalité, la déflation ouvre souvent la voie à un cercle vicieux qui se termine généralement en crise. Explications.
Dans une économie en déflation, un mouvement de baisse des prix pousse la majorité de la population à anticiper que la baisse continuera. Si tel est le cas, il est plus intéressant d’épargner pour consommer plus tard, pas vrai ? Ce report de la consommation se traduit mécaniquement par une baisse supplémentaire de la consommation. Face à ce constat, les entreprises sont obligées de diminuer encore leurs prix, la déflation s’accélère encore. Les consommateurs ont ainsi gain de cause, mais il est naturel d’anticiper le mouvement suivant… En clair, un cercle vicieux se met en place où la consommation chute toujours plus, entrainant les prix vers des niveaux toujours plus bas, engendrant la faillite d’entreprises et plongeant ainsi l’économie dans une crise globale. Le schéma ci-dessous résume parfaitement le mécanisme décrit.
La déflation
…À la réalité économique
Pour illustrer ce concept de façon concrète, intéressons à la plus grande crise économique que le monde ait connue : la « Grande Dépression ».
Le panorama est le suivant : nous sommes dans les années 1920s et les États-Unis sont en train de s’assumer comme la 1ère puissance économique mondiale. L’économie mondiale est fleurissante et les marchés financiers s’emballent. Toutefois, à partir de 1928, l’économie mondiale ralentit, mais les marchés financiers n’en démordent pas. Comprenez qu’entre mars 1926 et octobre 1929, le cours des actions augmente de 120 % aux USA, bien aidé par de nouvelles innovations financières fondées sur le crédit. C’est alors une bulle qui se forme (une déconnection des mondes réel et financier). Mais toute bulle finit par éclater, et le krach s’impose : rien que le jeudi 24 octobre, l’indice Dow Jones (la référence industrielle américaine) perd 22,6% à la mi-journée. Sur 3 années, la chute des marchés s’établit à 87% ! Les investisseurs (dont beaucoup s’étaient endettés) se retrouvent ruinés, et ne peuvent donc faire face à leurs engagements financiers. Le problème se transmet donc aux banques, dont beaucoup font défaut (600 aux États-Unis rien qu’en 1929).
La crise initialement financière se transmet à l’économie réelle, notamment parce que le canal du crédit est à l’arrêt. En effet, cette crise bancaire prévient entreprises et ménages d’emprunter pour investir/consommer : la demande globale chute drastiquement, et les prix suivent le pas. Durant la crise, les prix chutent de 20% par an en moyenne ! Le chômage atteindra jusque 25% aux USA avant l’élection de Roosevelt, et 40% en Allemagne offrant à Hitler son électorat populiste dont on connait les conséquences. Le cercle vicieux se met donc naturellement en place, et ses conséquences sont lourdes.
La déflation
La déflation aujourd’hui
Bouclons à la boucle et revenons aux propos tenus par Christine Lagarde, aujourd’hui présidente de la Banque Centrale Européenne. En 2014, la menace « numéro 1 » qui planait sur les économies européennes était la déflation. Le contexte était quelque peu particulier : les prix du pétrole étaient en chute libre, l’énergie ayant suivi ; la crise des « dettes souveraines » avait impliqué une forte rigueur budgétaire de la part des gouvernements, notamment sous forme d’impôt (or un impôt qui augmente, c’est une consommation qui diminue) ; la demande a globalement ralenti dans un contexte d’incertitude. Conséquence directe : la zone euro est entrée en déflation en 2015 avec une baisse des prix de 0,1% sur l’année.
Si le chiffre n’a rien de comparable avec la situation des années 1930s, les autorités monétaires se sont empressées d’agir afin d’éviter de tomber dans ce fameux cercle vicieux. C’est dans ce contexte que les taux d’intérêt de la BCE avaient été descendu à 0%. Le but ? Stimuler la demande en rendant le crédit « gratuit » (on vous renvoie à notre article sur les taux d’intérêt) afin de prévenir toute forme de spirale déflationniste. D’autres mesures avaient également été prises, mais elles feront l’objet d’un prochain sujet.
Retenons donc que pour tout investisseur, il est essentiel de suivre les publications relatives aux données inflationnistes, afin de toujours saisir la dynamique des prix dans l’économie.
Martin Decanter
Analyste, auteur et coach - Certifié AMF
Martin, expert en macroéconomie et pédagogue, combine formation en finance et expériences en gestion de patrimoine et analyse stratégique.
Au sein de Finneko, il est responsable des analyses économiques et œuvre pour démocratiser l'accès à l'investissement notament via des contenus vidéo (Formation et Youtube).
Disclaimer
Le Programme Finneko vous rappelle que l’ensemble du contenu proposé par nos équipes ne constitue en aucun cas un conseil en investissement. Finneko ne produit aucune recommandation d’achat, de vente ou de détention d’actifs. En outre, bien que nos travaux soient réalisés à partir d’informations fiables, ils ne sont pas exhaustifs et ne constituent pas une vérité absolue. Ainsi, et ce dans la continuité de l’Esprit Finneko, nous vous encourageons à approfondir les sujets traités afin de prendre les meilleures décisions, en pleine conscience des enjeux les sous-tendant. Plus encore, ayez à l’esprit d’une réalité de marché incontournable : les performances passées ne présagent pas des performances présentes ou futures. Les marchés financiers sont soumis à des fluctuations importantes dépendantes d’une multitude de facteurs que nous avons à coeur de vous exposer. Finneko décline donc toute forme de responsabilité quant aux conséquences découlant de l’utilisation et de l’interprétation des informations rendues disponibles par le biais de ses différentes offres.