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Vinci : Une machine à cash mais sensible à la politique
Dans un contexte où la cacophonie politique bat son plein autour de l’avenir de la France, le marché semble ne pas faire de sentiments en laissant à l’écart le CAC 40. Avec 44 % de son chiffre d’affaires réalisés sur le sol français, Vinci est dans l’œil du cyclone face à de potentielles décisions budgétaires du gouvernement. Les cours actuels reflètent-ils ce risque politique dont on aurait pu se passer ? Et si ça devait descendre encore plus, vers quelles zones de prix devriez-vous acheter à sa juste valeur ?
Ces dernières années, la plupart des investisseurs particuliers français étaient plutôt intéressés par le luxe avec les leaders LVMH et Hermès. On ne peut pas leur donner tort tant que ces deux entreprises affichaient des taux de croissance exceptionnelles à deux chiffres. Mais depuis la mi-avril dernière, elles marquent le pas avec un constat amer pour le groupe de la famille Arnault. Et même la baisse des taux de la BCE n’a pas constitué un soutien de leurs cours de Bourse.
Dans l’hypothèse que les taux directeurs des banques centrales continuent de baisser, l’attractivité pour les placements sans risque risquerait de diminuer, ce qui au fur et à mesure, pourrait plaider en faveur des actions à dividendes. À l’intérieur du CAC 40, j’ai pensé à Vinci (DG), une machine à cash à laquelle de nombreux investisseurs particuliers sous-estiment la qualité de son modèle économique dans un secteur ennuyeux.
Cela étant, l’actualité autour du conglomérat industriel a été chahutée depuis la dissolution du gouvernement français. Ce qui lui a valu de voir son cours de Bourse chuter fortement au moment de l’annonce. Bien que la menace de la nationalisation de certaines de ses activités soit éloignée, le marché n’est plus si enthousiaste qu’auparavant au sujet de Vinci. Le fait que l’incertitude politique en France revienne en surface, jette potentiellement un trouble sur ses perspectives de croissance, non pas uniquement pour 2024, mais bien au-delà.
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Un conglomérat industriel à trois têtes
Fondée en 2000 et présente dans 120 pays, Vinci est un conglomérat industriel qui opère dans trois activités distinctes : les concessions (15 % de ses revenus) avec Vinci Autoroutes, Vinci Airports Vinci Railways, et Vinci Stadium, l’énergie (38 %) avec Vinci Energies et Cobra Industrial Services, la construction (47 %) avec Vinci Construction et Vinci Immobilier.
Les concessions sont souvent considérées comme sa vache à lait pour générer des revenus stables et récurrents avec une position dominante en Europe. La gestion des autoroutes, des aéroports et d’autres infrastructures est suivie par des contrats de long terme basés sur des tarifs d’utilisation, en accord avec les autorités publiques. En contrepartie, Vinci a la responsabilité d’assurer le fonctionnement et l’entretien des concessions.
En dépit que les concessions occupent une part modeste de son chiffre d’affaires par rapport à la construction et l’énergie, son modèle économique est mieux diversifié, rendant l’entreprise moins perméable aux aléas du cycle économique qu’auparavant. Mieux encore, l’entreprise a su créer des synergies entre ses activités. Par exemple, les contrats de construction dans le BTP peuvent déboucher sur des contrats pour la division énergie (exploitation des infrastructures électriques) ou concession (maintenance des infrastructures).
Cette approche dite verticale de son modèle économique permet à Vinci d’être présente sur l’ensemble de la chaine opérationnelle de la phase de conception jusqu’à l’exploitation et la maintenance. En somme, elle constitue aussi un bon moyen de fidéliser ses clients et de gagner par la suite des contrats, garnissant ainsi son carnet de commandes.
Les investisseurs doivent surveiller attentivement l’évolution du carnet de commandes. Au 30 juin 2024, celui-ci a progressé de 10 %, atteignant 67,3 Md€ par rapport 31 décembre 2023, grâce à la hausse des activités dans la construction, l’énergie et Cobral Industrial Services en hausse. Cette progression offre une meilleure visibilité pour le groupe à moyen-long terme. Toutefois, l’incertitude politique en France plane, d’autant plus que l’entreprise réalise la majorité de son chiffre d’affaires dans l’Hexagone.
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Un modèle de croissance relativement stable
Si je vous ai vanté que Vinci est une machine à cash malgré des activités essentiellement cycliques, c’est que l’entreprise a régulièrement délivré une croissance stable de son chiffre d’affaires et de son BPA (Bénéfice par action), excepté les années de récession. Trois ans après la crise Covid, les résultats ont largement dépassé ceux de 2019, témoignant des points forts de son modèle économique.
Dans une industrie où il faut mobiliser beaucoup de capitaux et d’actifs matériels pour générer des bénéfices, n’attendez pas de Vinci qu’elle réalise des marges opérationnelles exceptionnelles. Depuis sa création, l’entreprise peine à franchir durablement les 10 %. Cependant, comme mentionné auparavant, sa capacité à offrir une croissance honorable de ses bénéfices, entre 3 à 6 % (mieux que celle du PIB de la France) permet d’augmenter constamment ses cash flow. Cette preuve de stabilité, soutenue par l’apport des contrats de longue durée, fait de Vinci, une vraie machine à cash.
Le premier semestre 2024 fait état d’une hausse du chiffre d’affaires de 4,4 %, mais aussi d’une baisse de 5,2 % de son BPA. D’ailleurs, en raison des incertitudes politiques et économiques, le management opte pour la prudence sur ses perspectives pour 2024 avec une hausse du chiffre d’affaires de moindre ampleur que celle réalisée en 2023. Ce qui explique la sous-performance de Vinci ces derniers mois et l’écart de son cours de Bourse par rapport à son plus haut historique.
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Une gestion financière bien sous contrôle
Le bilan financier de Vinci ne suscite pas des inquiétudes. Premièrement, la notation financière attribuée par S&P et Moody’s ne remet pas en cause sa capacité à honorer les engagements vis-à-vis des créanciers. Deuxièmement, la dette nette/EBITDA à 2,3 reste en deçà du seuil d’alerte de 5, fixé par les agences de notation. Enfin, le TCI (Taux de couverture des intérêts) dépasse largement le minimum requis de 2, consolidant ainsi le maintien du versement de dividendes aux actionnaires.
La constance d’un ROE (Retour sur capitaux propres) au-dessus de 10 % sur les dix dernières années démontre l’aptitude de l’entreprise à fructifier l’argent des actionnaires. De plus, la rentabilité obtenue se base sur une bonne gestion de l’endettement. Quoi de mieux pour lever les doutes auprès des investisseurs les plus sceptiques.
Le ROE moyen sur 5 ans de Vinci, s’élevant à 12,5 %, dépasse celui de ses concurrents, Eiffage (11,2 %) et Bouygues (7,8 %). Cependant, à l’international, Vinci est surpassé par ACS, dirigée par Florentino Pérez, avec un ROE de 23,1 %. Si je devais faire un choix, j’intègrerais Vinci en fonds de portefeuille avec un rendement intéressant pour bénéficier de la puissance des intérêts composés.
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Dividende et valorisation
Avec un rendement de 4,3 % et un payout ratio de 55,8 %, vous avez l’archétype idéale d’une action à dividende. Non seulement, Vinci vous offre un meilleur rendement que celui de l’OAT 10 ans. Mais plus encore, le conglomérat industriel dispose d’une marge de manœuvre importante pour augmenter son dividende, étant donné que son ratio de distribution se trouve loin de la zone d’alerte des 70-80 %.
Malgré que la crise Covid l’ait contraint de baisser son dividende, il convient de souligner que le free cash flow (FCF) par action est resté au-dessus du dividende par action. Les actionnaires ne devraient pas jeter la pierre vis-à-vis du management par son excès de prudence, car les conséquences futures de cette pandémie demeuraient incertaines. Depuis 2021, Vinci a repris sa marche en avant avec un dividende désormais plus deux fois supérieur à celui des exercices 2019 et 2020.
En me basant sur un taux de croissance de long terme du BPA à 6 % en phase de croissance et à 3 % en phase terminale, le cours de l’action Vinci est sous-évalué par rapport à sa valeur intrinsèque. Ainsi, le marché estime que l’entreprise ne serait pas capable d’augmenter ses bénéfices de plus de 6 % dans les années à venir. Ce qui n’est pas en soi surprenant compte tenu du caractère réglementaire de ses activités.
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À retenir
Si vous cherchez une action de belle qualité tout en gardant le sens du patriotisme, Vinci répond parfaitement à cette exigence. Le profil de la société s’est grandement diversifié, mettant l’accent sur la récurrence des revenus dans certaines activités, afin d’éviter en partie les contrecoups du cycle économique et de devenir une machine à cash.
Bien que l’entreprise puisse bénéficier de la transition énergétique, ses activités sont soumises à un cadre réglementaire stricte ainsi qu’aux aléas politiques. Dans ce contexte, il est peu probable que Vinci délivrera des taux de croissance des bénéfices à deux chiffres en raison de la forte intensité capitalistique de ses activités. Mais en contrepartie, les investisseurs préfèreront ce dossier par sa capacité à offrir un rendement attractif, surtout en comparaison des placements sans risque, dont l’attrait diminuera avec la baisse des taux directeurs de la BCE.
Enfin, le patriotisme a un coût, lorsque les choses ne se présentent pas comme on le souhaiterait. Vinci en paie le prix sans pour autant sombrer sur le plan boursier. La forte contribution du marché français à son chiffre d’affaires représentera un fardeau tant que nous n’aurons pas une éclaircie du côté politique. Ce risque pourrait s’accentuer en cas de validation potentielle d’une épaule-tête-épaule (ETE) en unités hebdomadaires. Auquel cas, il serait sage d’attendre des points d’entrée encore plus bas pour se positionner à l’achat, afin de tirer parti d’éventuels excès de marché.
Avantages
Modèle économique diversifié
Belle présence à l’internationale
Bilan financier solide
Position dominante dans ses activités
Inconvénients
Dépendance au marché français
Sensibilité de ses activités aux décisions politiques
Intensité capitalistique importante de ses activités
Sovanna Sek
Analyste
Sovanna, passionné par les marchés financiers depuis la crise des subprimes, possède une expertise approfondie en investissement. Actif en tant qu’auteur, rédacteur, formateur, et investisseur, il a fondé le site DivOption Zen.
Il s'investit dans Finneko en considèrant la Bourse comme cruciale pour préparer les retraites et s'engage à démystifier et promouvoir des secteurs et des actifs prometteurs pour l'avenir.
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