CHRONIQUES
Cinquantième réunion du G7 : quel bilan en tirer?
Une partie du gratin mondial s’est retrouvée entre le 13 et le 15 juin dernier à l’occasion de la cinquantième réunion du G7. Ce «Groupe des 7», à la limite du Club des 5, a posé bagages en Italie, à Borgo Egnazia dans la ville de Fasano. Au sommaire, les guerres russo-ukrainienne et israélo-palestinienne, la concurrence chinoise, la transition écologique ou encore le résultat des élections européennes avec un gain de terrain de la droite nationaliste en Europe. Des sujets éminemment sérieux mais qui n’ont pourtant pas empêché les journaux de titrer sur les étourderies de Joe Biden ou sur les bisbilles entre Giorgia Meloni et Emmanuel Macron.
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Le G7, un groupement de puissances favorable à la paix et au progrès
Le G7 est composé de sept pays et d’une organisation intergouvernementale : les Etats-Unis, le Japon, l’Allemagne, le Royaume-Uni, la France, le Canada, l’Italie et l’Union européenne. Cette dernière est représentée par Ursula von der Leyen, actuelle présidente de la Commission européenne, et par le belge Charles Michel, président du Conseil européen. Cet ensemble est constitué par des pays présentant le point commun d’être à un stade avancé de l’industrialisation, bénéficiant par ailleurs d’une tertiarisation de leur économie qui traduit la montée des métiers serviciels.
En 2017, ils concaténaient à eux sept 46% du produit international brut et rassemblaient près de 10% de la richesse mondiale. Aujourd’hui, seule l’Italie ne fait pas partie des plus grandes puissances économiques, reléguées à la douzième place derrière l’Iran. Ironie du sort, c’est bien elle qui préside l’édition 2024, bien décidée à défendre sa position.
Le poids économique de ces leaders se réduit à mesure que les pays en voie de développement sillonnent le chemin de la croissance. Concomitamment, la part démographique du groupe, déjà réduite à un dixième de la population mondiale, décroît à mesure que des pays tels que l’Inde ou présents sur le continent africain connaissent un boom des naissances. L’influence du G7 est ainsi parfois fustigée voire amenuisée par l’émergence de nouvelles puissances, notamment riches de ressources stratégiques.
Le G7 prend ses racines dans le marasme économique causé par la crise pétrolière de 1975, au cours de laquelle le baril de pétrole avait grimpé à près des 50 dollars l’unité, montant alors inédit. Il n’est alors que le G6, le Canada ne rejoignant l’aventure qu’une année plus tard, soutenu par son voisin continental ainsi que par sa place croissance sur l’échiquier géopolitique mondial. En 1997, au sortir de la guerre froide, la Russie comme vaste réseau d’influence politique est approchée pour intégrer le cénacle géopolitique. Les années passent et les ambitions russes prennent de l’ampleur, tant et si bien que Moscou finit par faire fi du droit international et envahit la Crimée en 2014. Un jeu d’avis contradictoires se met en place : la Russie est d’abord exclue du groupe, puis plusieurs pays s’expriment en faveur d’un retour dans le groupement de la Russie, avant que ne soit définitivement prononcée son évincement en 2017. Le G6 devenu G8 se cantonne donc à la voie du G7. La rencontre de 2024, sous fond de guerre en Ukraine s’éternisant, confirme la fracture qui existe entre les Sept et la Russie.
De plus, au-delà de la vocation politique, le «groupe des 7» entend être un terreau fertile à des projets, idées ou initiatives propices à contribuer au développement de l’économie mondiale. En ce sens, des sommets organisés depuis 1975, plusieurs formes concrètes ont vu le jour, à l’image de la Banque européenne de construction et de développement (BERD), du Groupe d’action financière (GAFI) ou encore du soutien à l’Accord de Paris sur le climat. Plus récemment, l’escalade des tensions militaires en Europe de l’Est ou au Moyen-Orient, le climat, la santé et le développement économique fondé sur des secteurs comme l’intelligence artificielle (IA) ont pris une part non négligeable des agendas du groupe.
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Un printemps italien pour évoquer des sujets brûlants…
Certes, parler de conflit russo-ukrainien peut sembler être du réchauffé. Toutefois, à l’heure où la Russie parvient progressivement à confirmer son ascendant dans cette nouvelle phase de la guerre, la solidarité des puissances du G7 entend asséner un coup à Moscou. Pour participer à la reconstruction de l’Ukraine et accélérer le progrès militaire de Kiev, 50 milliards de dollars de prêt issus de revenus exceptionnels vont être débloqués. Pour les financer, les Etats comptent sur les recettes exceptionnelles produites par les fonds souverains russes gelés depuis le début du conflit. Les membres du G7 ont annoncé de nouvelles sanctions économiques visant à isoler la Russie du système financier mondial. Ces mesures incluent le retrait du statut de nation la plus favorisée pour la Russie, l’interdiction des importations de certains produits russes (comme les fruits de mer et les diamants non industriels), et des sanctions supplémentaires contre les élites russes et leurs familles. L’objectif est ainsi de réduire les revenus de la Russie et de nuire à sa capacité à financer la guerre en Ukraine.
Les Sept ont par ailleurs souhaité apaiser les tensions qui continuent de se nouer au Moyen-Orient. Appelant à un cessez-le-feu dans la bande de Gaza, ils ont poursuivi en condamnant les attaques menées par les rebelles Houthis aux abords de la mer Rouge. Ils portent d’une même voix l’appel à un adoucissement des heurts. L’objectif, au-delà de retrousser ses manches pour jouer les moralisateurs, est de permettre au commerce mondial de reprendre un rythme normal, soit rentable. En effet, l’escalade dans la région a conduit à une augmentation des tarifs de transport due à une hausse de la consommation de carburant, à un renchérissement des cotisations pour les assurances et à des ruptures dans les chaînes de production et d’approvisionnement, ruptures causées par des retards. Dans la droite lignée de ces lancers de colombes, le G7 lance une alerte à l’Iran, qui contribue à financer et à fournir de l’armement à la Russie, alimentant les tensions.
Le G7 a de surcroît souligné l’importance de promouvoir des transitions écologique et numérique qualifiées de «justes», de façon à stimuler la croissance économique. Ainsi, l’investissement dans des technologies ou des sources d’énergie permettant de tendre vers des sociétés bas-carbone ainsi que le développement de projets numériques innovants dans un cadre établi défini comme l’avait déjà affirmé le processus d’IA d’Hiroshima sont des leviers d’action. Les sept pays et l’Union européenne se sont donc engagés à catalyser les investissements dans ces secteurs, tout en renforçant le paysage fiscal les entourant et en protégeant les populations vulnérables des effets destructeurs inhérents à ces deux sujets. Par ces engagements, le G7 réitère la primordialité de la transition écologique, de la lutte contre les catastrophes environnementales et du numérique. Et en soutenant leur expansion tout en constituant un code de conduite comme pour les systèmes avancés d’IA, il fournit des orientations à même de tirer la croissance de ces secteurs.
Sur le volet sociétal, le groupe s’est engagé à débloquer 20 milliards de dollars américains sur trois ans pour promouvoir l’égalité des genres et l’autonomisation des femmes. D’un point de vue économique, cette initiative est favorable à la demande, à la consommation. En effet, en augmentant la participation économique des femmes, la croissance est davantage stimulée. La conviction du G7 s’affirme ici : l’égalité des genres est essentielle pour un développement économique équitable.
Le sommet a également vu une coopération accrue avec d’autres pays et organisations internationales. Des discussions ont été tenues avec des représentants du Brésil, de la Mauritanie, de la Corée du Sud et de l’Arabie Saoudite sur les implications mondiales de l’intelligence artificielle et sur les paiements transfrontaliers. Cette collaboration vise à renforcer la « résilience économique mondiale » et à promouvoir un système multilatéral basé sur des règles équitables.
Par exemple, le G7 s’est prononcé en faveur d’un renforcement de son partenariat avec les pays africains pour soutenir à la fois le développement durable et la croissance industrielle. Cela inclut des initiatives comme le Partenariat pour une Infrastructure Globale et Inclusive (PGII) ou l’initiative Énergie pour la Croissance en Afrique, visant à orienter les investissements dans des infrastructures durables. Ces investissements seront opportuns en cela qu’ils sont des catalyseurs à même de stimuler la productivité et la croissance économique en Afrique. Par ailleurs, en solidifiant structurellement ces économiques, l’attractivité pour les investisseurs privés et publics s’en trouve augmentée. L’effort mis par le G7 sur le développement du continent africain le place sous le signe d’un potentiel de croissance. En avril 2024, la Banque mondiale, dans un rapport consacré au développement de l’Afrique, affirmait que les perspectives de croissance étaient positives, de l’ordre de 3,4% en 2024 et 3,8% en 2025, soit 1,2 point supplémentaire comparé à 2023.
L’évocation des économies en développement a nécessairement entraîné des commentaires sur la situation de la Chine en matière de commerce international. Ses pratiques de concurrence déloyale ont été pointées du doigt, alors que les Etats-Unis ont déjà sévi pour mettre en place des sanctions et augmenter les droits de douanes pour les produits chinois importés. Bien que le communiqué de presse de la réunion des leaders des nations occidentales soit articulé autour de propos lénifiants, la tension est perceptible. Sous couvert de demandes pour rétablir un paysage d’échanges équilibré et pour participer à la croissance économique mondiale tout en promouvant la paix, le G7 souhaite par-dessus tout signifier à la Chine que son petit jeu est compris par tous, et que les sanctions pourraient continuer de pleuvoir, à l’image de celles prononcées par l’UE récemment. Toutefois, la Chine, forte de sa nébuleuse partenariale et de ressources capitales en matières premières, semble ici être une grande absente à la table des discussions, tant son influence politique et son poids économique sont étendue et croissant.
Tout ceci n’a pas empêché les membres du G7 d’affirmer que le commerce international doit d’opérer dans un espace soumis aux règles du libre marché, où les entreprises occidentales « doivent pouvoir rivaliser à armes égales avec celles de la Chine ». Comme à plusieurs reprises dans l’actualité récente, l’aide publique apportée par Pékin à des sociétés qui tournent à plein régime et inondant le monde de produits chinois inquiète, tout comme la surproduction de l’Empire du Milieu.
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Le G7 dicte-t-il les règles ?
La vocation même du G7 n’est pas d’imposer un cadre légal ou même normatif au sujet des les enjeux contemporains comme la transition écologique, le retour de la paix, la transition numérique, ou la croissance économique pour tous. Toutefois, le groupe fournit des orientations et participe au financement afin de soutenir des projets qui sont en phase avec les ambitions des sept pays. Par ces réunions, leurs visions du monde et de la manière de l’améliorer s’expriment, ce qui peut donner l’impression à d’autres pays d’être mis sur le banc de touche.
Des économies en voie de développement ou des économies émergentes peuvent sentir un décalage à leur désavantage entre ce qui est affirmé comme prioritaire par le G7 et les enjeux qui les importent réellement. Leurs intérêts économiques et commerciaux peuvent par ailleurs se trouver en dehors de cet espace restreint bien que puissant. Ainsi, pour constituer un bloc face aux pays traditionnellement puissants, d’autres groupes, mus par une vocation altermondialiste (une autre organisation internationale des équilibres de puissances), ont vu le jour.
C’est notamment le cas des BRICS, ensemble composé de la Russie, du Brésil, de l’Inde, de la Chine et de l’Afrique du Sud. Cette organisation voit le jour en 2009 et rassemble dans un premier temps les BRIC. Ces pays se caractérisent par un fort taux de croissance, une économie qui tend à s’industrialiser pour se mettre sur la voie de l’épanouissement économique et une influence croissante sur la scène internationale. Ils se réunissent annuellement de la même façon que le G7, de façon à orienter des politiques communes et porter des projets économiques ou industriels concomitamment.
Lors du sommet d’août 2024, cinq nouveaux pays ont rejoint le groupe : l’Egypte, l’Ethiopie, l’Iran, l’Arabie Saoudite et les Emirats Arabes Unis. Cet élargissement est le signe d’un renforcement du poids économique et géopolitique des BRICS. Cela augmente l’influence de ce groupe et constitue un espace privilégié pour favoriser les échanges commerciaux et financiers entre ces nouveaux partenaires. Et bien que la mort de ce groupe fut maintes fois annoncée, il subsiste encore, continuant de se renforcer. Des tensions demeurent certes, mais le G7 n’en est pas non plus dispensé.
Avant cette perspective de dialogue Sud-Sud, en 1999, le groupe des 20 naquit. Il est alors le théâtre d’échanges entre les vingt puissances les plus influentes. En 2021, en concentrant près de deux tiers de la population mondiale et en représentant 80% du produit international brut, ce groupe est davantage un espace diplomatique où les tribulations comptent davantage que les interventions, encore davantage que dans des groupes restreints.
Ainsi, le G7, réunion du gotha international, a été l’occasion de réaffirmer leur positionnement vis-à-vis des conflits qui ont lieu à travers le monde aujourd’hui, avec un point d’orgue mini à traiter des sujets du front russo-ukrainien et du conflit dans la bande de Gaza. Néanmoins, venant parachever plusieurs signaux forts au sujet de la transition écologique et de la transition numérique, les sept pays mettent en avant la nécessité d’établir un cadre normatif voir législatif autour des sujets d’intelligence artificielle tout en multipliant les efforts, à la fois en direction du développement durable et au développement technologique des économies.
Des mots certes peu disruptifs mais pour autant confirmant une stratégie déjà enclenchée. En tout cas, la transition écologique ne se fera pas sans croissance , et de multiples investissements, notamment en infrastructures sur le continent africain, sont à venir. L’union des 7 autour des sujets de concurrence déloyale de la Chine indique toutefois un ras-le-bol de la scène internationale vis-à-vis des pratiques anticoncurrentielles qu’exerce Pékin.
Que retenir alors de cette 50e réunion du G7 ? D’une part que la concurrence est rude, à l’image de la Chine mais également de l’influence croissante des BRICS+. D’autre part que les tensions internes peuvent se renforcer, à l’image du couple franco-italien qui est divisé sur le sujet des résultats des élections européennes ou encore de l’avortement. Enfin, que les grandes orientations sont données : il faut la paix, sans pour autant ralentir le réarmement des nations, il faut l’égalité, en particulier dans la lutte contre les inégalités de genre et internationales, et il faut de la croissance, au prix d’un développement responsable et juste.
Samuel Brel
Auteur
Convaincu de l'importance de démocratiser la pensée économique, Samuel rédige depuis deux ans une newsletter quotidienne pour ouvrir les esprits aux enjeux actuels.
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