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La place du cuivre dans la transition énergétique
Dans cette nouvelle tribune économique, on vous réserve un article très complet sur l’importance grandissante du cuivre dans la transition énergétique. Décryptage.
le cuivre et la transition energetique
Qu’est-ce que la transition énergétique ?
La transition énergétique est l’expression utilisée pour désigner le passage d’un modèle énergétique reposant sur des sources d’énergie fossile vers un bouquet, ou mix, énergétique donnant toute leur place aux énergies renouvelables. En d’autres termes, il s’agit de diminuer notre utilisation d’énergies limitées, dont l’exploitation engendre à la fois des déchets et des émissions polluantes, pour les remplacer par des énergies issues de ressources inépuisables, d’éléments naturels : le soleil, le vent, les chutes d’eau, les marées, la chaleur de la Terre, la croissance des végétaux, etc.
Si les énergies renouvelables représentent les énergies d’avenir, elles sont encore sous-exploitées : elles ne couvrent que 20 % de la consommation mondiale d’électricité.
De fait, le réchauffement climatique, affectant déjà les écosystèmes, la météo ou les cultures, est majoritairement dû à l’émission de gaz à effet de serre par les activités humaines. Or, l’énergie en est en grande partie responsable, qu’il s’agisse de produire ou de consommer, de gaz ou d’électricité, d’essence ou de déchets. La transition énergétique doit permettre de lutter contre le changement ou de limiter le réchauffement climatique.
Outre cet aspect environnemental, la transition énergétique intègre une dimension économique et sociale et tend globalement vers un système énergétique plus « durable » au sens du « développement durable » défini dans le rapport Brundtland de 1987 de la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU (« un mode de développement qui répond aux besoins des générations présentes sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs »).
le cuivre et la transition energetique
Quelle est la situation en Europe ?
L’Union européenne occupe la troisième place mondiale en termes de consommation d’énergie, derrière la Chine et les États-Unis. Elle représente 9,6 % de la consommation énergétique primaire mondiale, tandis que la Chine en représente 26,4 % et les États-Unis 15,9 %. Cette situation s’explique à la fois par le nombre d’habitants et par le niveau de développement économique et industriel.
En effet, en 2022, la consommation énergétique primaire de l’Union européenne s’est élevée à environ 1,4 milliard de tonnes équivalent pétrole pour une population de 447 millions d’habitants. Aux États-Unis (avec 333 millions d’habitants), cette consommation était de 2,3 milliards de tonnes la même année.
D’ailleurs, près de 70 % de l’énergie disponible dans l’Union européenne provient de sources fossiles, notamment le pétrole (34 %), le gaz (23 %) et le charbon (11 %). Cependant, la part des énergies renouvelables augmente progressivement. En 2022, elles représentaient plus de 23 % de la consommation finale d’énergie dans l’UE, contre 16 % en 2012.
La dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis du reste du monde est forte, notamment en ce qui concerne le gaz et le pétrole, provenant principalement des États-Unis, du Moyen-Orient et de la Russie.
La dépendance aux importations d’énergie varie d’un État à l’autre au sein de l’Union européenne. Ce niveau de dépendance, mesuré comme la proportion des importations nettes (importations moins exportations) par rapport à la consommation totale du pays, dépasse 60 % dans 16 des 27 États membres. À l’inverse, elle est relativement faible en Bulgarie (37 %), en Roumanie (32 %), en Suède (26 %) et atteint seulement 6 % en Estonie (données de 2022).
La France (52 %) et la Pologne (46 %) maintiennent cette dépendance en dessous de la moyenne européenne (63 %), grâce à l’importance du nucléaire en France et du charbon en Pologne. En revanche, l’Espagne, la Grèce, le Portugal, l’Italie et la Belgique importent les trois quarts de leur énergie. Les taux les plus élevés se trouvent à Malte (99 %), à Chypre (92 %) et au Luxembourg (91 %).
Par conséquent, plusieurs objectifs sont aujourd’hui poursuivis par l’Union européenne en matière énergétique. Ils sont formalisés par le traité sur le fonctionnement de l’Union européenne (TFUE). Parmi ceux-ci :
- Garantir le fonctionnement du marché de l’énergie
- Assurer la sécurité de l’approvisionnement énergétique
- Promouvoir l’efficacité énergétique et les économies d’énergie
- Promouvoir le développement des énergies renouvelables
- Assurer l’interconnexion des réseaux énergétiques.
De plus, l’un des objectifs principaux de la politique énergétique européenne est aujourd’hui la lutte contre le changement climatique. Avec le lancement du Pacte vert pour l’Europe en 2019, la Commission européenne dirigée par Ursula von der Leyen a cherché à renforcer les ambitions environnementales de l’UE.
Pour atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, l’exécutif européen a présenté, le 14 juillet 2021, une révision de la directive sur les énergies renouvelables, fixant l’objectif à 40 % d’énergies propres dans le mix énergétique de l’UE d’ici 2030. En mars 2023, les États membres et les eurodéputés ont finalement convenu d’un objectif de 42,5 % d’énergies renouvelables d’ici 2030.
Concernant l’efficacité énergétique, les institutions européennes ont également trouvé un compromis visant à réduire la consommation finale d’énergie d’au moins 11,7 % en 2030 par rapport aux prévisions de 2020.
Enfin, dans le contexte de la guerre en Ukraine, la Commission européenne a présenté un plan appelé “RePowerEU” visant à réduire cette dépendance aux énergies fossiles russes d’ici 2027.
L’UE a mis en œuvre ce plan ambitieux visant à réduire sa dépendance aux combustibles fossiles russes et à accélérer la transition écologique en réalisant des économies d’énergie, en investissant dans les énergies renouvelables et en diversifiant les sources d’approvisionnement énergétique.
En mai 2022, la Commission européenne a présenté le plan REPowerEU. Ce plan s’appuie sur les propositions du paquet « Ajustement à l’objectif 55 », qui soutient l’objectif ambitieux de l’UE de réduire les émissions nettes de gaz à effet de serre d’au moins 55 % d’ici 2030 et d’atteindre la neutralité climatique d’ici 2050, conformément au Pacte vert pour l’Europe.
À ce jour, l’UE a atteint la plupart des objectifs ambitieux fixés dans le plan REPowerEU et est en bonne voie pour atteindre les objectifs à moyen et long terme. Au cours des deux dernières années, le plan REPowerEU a aidé l’UE à économiser de l’énergie, diversifier ses approvisionnements, produire de l’énergie propre et combiner intelligemment investissements et réformes.
REPowerEU met l’accent sur l’accélération de la production d’énergie propre pour renforcer la sécurité énergétique de l’UE et assurer la décarbonisation de l’économie. Les estimations de l’industrie indiquent que la capacité installée éolienne et solaire a augmenté de 36 % entre 2021 et 2023, économisant environ 24 milliards de mètres cubes (bcm) de gaz sur deux ans.
Avec 56 GW de nouvelle capacité solaire installée en 2023 (selon SolarPower Europe), l’UE a établi un nouveau record par rapport aux 40 GW supplémentaires installés en 2022. En 2024, les estimations prévoient une augmentation supplémentaire de 16 % de la capacité installée, remplaçant environ 15 bcm de gaz supplémentaires.
Quant à l’énergie éolienne, 17 GW de nouvelle capacité ont été installés dans l’UE en 2023, pour un total de 221 GW, contre 188 GW en 2021 (selon les estimations de Wind Europe). Même si cela témoigne de progrès impressionnants, le secteur éolien doit être davantage stimulé pour atteindre les objectifs ambitieux de l’UE en matière d’énergies renouvelables.
À cette fin, la Commission a adopté un paquet éolien en octobre 2023, composé d’un plan d’action et d’une communication sur la réalisation des ambitions de l’UE en matière d’énergies renouvelables offshore, ce paquet représente la réponse de la Commission à l’ensemble unique de défis auxquels est confronté le secteur éolien européen, notamment une demande insuffisante et incertaine, des procédures d’autorisation lentes et complexes, une concurrence mondiale croissante et un manque de conception d’enchères nationales.
Le plan d’action prévoit plusieurs mesures concrètes, notamment le lancement de l’initiative « Accele-RES » axée sur la numérisation des processus d’autorisation et l’assistance technique aux pays de l’UE.
En outre, dans le prolongement du plan d’action, en décembre 2023, 26 pays de l’UE ainsi que des représentants de premier plan de l’industrie ont signé la Charte européenne de l’énergie éolienne, définissant des engagements volontaires pour soutenir le développement du secteur éolien européen. À la même occasion, 21 pays de l’UE ont soumis leurs engagements concrets concernant les volumes de déploiement de l’énergie éolienne pour au moins la période 2024-2026.
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Quelle est la situation aux Etats-Unis ?
Les Etats-Unis sont également rentrés dans la course de la transition énergétique avec la promulgation de la loi « Inflation Reduction Act » en 2022. L’IRA (Inflation Reduction Act of 2022) mobilise sur dix ans 369 milliards de dollars pour soutenir l’industrie verte.
La loi offre l’environnement réglementaire le plus favorable de l’histoire des technologies propres, susceptible de générer des résultats, notamment le premier déploiement à grande échelle de l’hydrogène vert et du captage du carbone, selon Goldman Sachs Global Investment Research.
Les incitations de l’IRA pourraient potentiellement aider les États-Unis à acquérir une plus grande part du marché mondial des technologies propres, où la Chine domine désormais la fabrication et le commerce de la plupart des technologies
L’IRA comprend une combinaison de subventions, de prêts, de dispositions fiscales et d’autres incitations pour accélérer le déploiement d’énergies propres, de véhicules propres, de bâtiments propres et de fabrication propre.
Cela comprend des investissements dans le déploiement d’énergies propres, l’expansion du réseau électrique, le développement de la fabrication nationale de technologies propres, l’incitation à l’adoption de véhicules électriques, la réduction des émissions de méthane, l’augmentation de l’efficacité des bâtiments, l’amélioration de la résilience climatique des communautés, et d’autres domaines. *
Lorsque l’administration Biden a marqué le premier anniversaire de l’Inflation Reduction Act (IRA) à la mi-août de 2023, elle a présenté de grands chiffres pour démontrer l’impact de la législation.
En réponse aux dispositions de la loi sur l’énergie propre et le climat, les entreprises ont annoncé plus de 110 milliards de dollars de nouveaux investissements dans la fabrication d’énergie propre depuis que l’IRA est entrée en vigueur, selon la Maison Blanche. Cela comprend plus de 70 milliards de dollars dans la chaîne d’approvisionnement des véhicules électriques (VE) et environ 10 milliards de dollars dans la fabrication de produits solaires.
Une analyse basée sur les annonces publiques suivies par l’American Clean Power Association (ACP), Climate Power et E2 montre que 280 projets d’énergie propre ont été annoncés dans 44 États américains au cours de la première année de l’IRA. Ces projets représentent 282 milliards de dollars d’investissement et devraient créer près de 175 000 emplois.
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A l’échelle mondiale ?
L’investissement mondial total dans la transition énergétique vers la décarbonation s’est élevé à 1 780 milliards de dollars américains en 2023, ce qui constitue un nouveau record. Cela représente une augmentation de 17 pour cent par rapport aux investissements de l’année précédente dans la transition énergétique.
En outre, selon le rapport BloombergNEF, les transports électrifiés constituent désormais le principal secteur de dépenses dans la transition énergétique, avec une croissance de 36 % en 2023 pour atteindre 634 milliards de dollars. Ce chiffre comprend les dépenses consacrées aux voitures électriques, aux bus, aux deux et trois roues et aux véhicules utilitaires, ainsi qu’aux infrastructures associées.
Les transports électrifiés ont dépassé le secteur des énergies renouvelables, qui a connu une augmentation de 8 % pour atteindre 623 milliards de dollars. Ce chiffre reflète les investissements destinés à construire des installations de production d’énergies renouvelables, telles que des centrales éoliennes, solaires et géothermiques, ainsi que des usines de production de biocarburants, entre autres. L’investissement dans le réseau électrique est le troisième contributeur, avec 310 milliards de dollars. Les réseaux sont un catalyseur essentiel de la transition énergétique et les investissements dans ces domaines devront augmenter dans les années à venir.
Nous avons également constaté une croissance significative dans des secteurs émergents comme l’hydrogène (avec des investissements ayant triplé d’une année sur l’autre), le captage et le stockage du carbone (presque doublé) et le stockage d’énergie (en hausse de 76 %).
La Chine est de loin le plus grand investisseur, avec 676 milliards de dollars investis en 2023, représentant 38 % du total mondial. Cependant, son avance a diminué. En effet, l’Union européenne, les États-Unis et le Royaume-Uni ont combiné leurs efforts pour dépasser la Chine, atteignant 737 milliards de dollars d’investissements, un exploit qu’ils n’avaient pas réalisé en 2022. Les investissements aux États-Unis ont augmenté de 22 % en un an, atteignant 303 milliards de dollars, grâce aux effets de la loi sur la réduction de l’inflation.
Néanmoins, le niveau actuel d’investissement dans les technologies d’énergie propre est insuffisant pour atteindre l’objectif de zéro émission nette d’ici le milieu du siècle. Selon le rapport, les investissements dans la transition énergétique devraient atteindre en moyenne 4 800 milliards de dollars par an de 2024 à 2030 pour s’aligner sur le scénario net zéro du BNEF, conformément à l’Accord de Paris et aux nouvelles perspectives énergétiques de 2022. Cela représente près de trois fois l’investissement total observé en 2023.
De plus, le rapport du BNEF indique que les investissements dans la chaîne d’approvisionnement mondiale en énergie propre, y compris les usines d’équipement et la production de métaux pour batteries, ont atteint un record de 135 milliards de dollars en 2023 (contre 46 milliards de dollars en 2020), et devraient continuer à augmenter au cours des deux prochaines années. La BNEF prévoit que ce chiffre atteindra 259 milliards de dollars d’ici 2025, sur la base des plans d’investissement actuels. Au cours des deux prochaines années, seul le secteur éolien devra augmenter ses investissements dans la chaîne d’approvisionnement pour suivre une trajectoire carboneutre, tandis que les autres secteurs investissent à un rythme suffisant.
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Quel est le rôle du cuivre dans la transition énergétique ? Déficit à venir ?
La place du cuivre
Grâce à ses nombreuses propriétés, telles que la conductivité thermique et électrique ainsi que la résistance à la corrosion, le cuivre est devenu un métal indispensable dans nos sociétés modernes.
Il est couramment utilisé dans la fabrication de câbles et fils électriques, la plomberie, les équipements électroniques (circuits imprimés, puces électroniques), les systèmes de transport (circuits de freinage, systèmes d’injection, etc.), la construction de bâtiments et la production de monnaie.
Le cuivre suscite également un intérêt croissant en tant que matériau clé pour la transition énergétique. En effet, le cuivre, « métal de l’électrification », est essentiel à tous les plans de transition énergétique. Une électrification plus approfondie nécessite des fils, et les fils sont principalement fabriqués à partir de cuivre. Les technologies essentielles à la transition énergétique, telles que les véhicules électriques (VE), les infrastructures de recharge, l’énergie solaire photovoltaïque (PV), l’énergie éolienne et les batteries, nécessitent toutes beaucoup plus de cuivre que leurs homologues conventionnels à base d’énergie fossile.
Cela comprend également le remplacement des infrastructures de réseau inefficaces existantes. Le réseau actuel fonctionne de manière inefficace ; selon un rapport réalisé par Inside Energy, nous perdons entre 2,2 et 13,3% d’énergie dans le transport et la distribution. Le rôle que jouera le cuivre est de permettre la mise à niveau des matériaux vers un réseau plus innovant et plus efficace.
L’électrification est au cœur de la transition énergétique, et la combinaison de conductivité et de ductilité du cuivre le rend idéal pour les utilisations électriques. Les technologies à faible intensité de carbone nécessitent souvent plus de métal que leurs homologues à plus forte teneur en carbone.
L’éolien offshore, par exemple, utilise environ trois fois plus de cuivre que la production d’électricité au charbon en termes de tonnes par gigawatt de capacité. Une voiture électrique haut de gamme pourrait contenir environ 78 kilogrammes de cuivre par véhicule, contre environ 22 kg dans un modèle équivalent à essence.
Ainsi, les utilisations vertes du cuivre représentaient 4 % de la consommation de cuivre en 2020 et ce chiffre devrait plus que quadrupler pour atteindre 17 % d’ici 2030, selon une note récente de l’analyste de Goldman Sachs, Aditi Rai. Il a estimé qu’une trajectoire vers zéro émission nette créerait un besoin supplémentaire de 54 % de cuivre en plus en 2030.
Cela se traduit en termes de quantité, que m’électrification devrait faire passer la demande annuelle de cuivre d’environ 25 Mt actuellement à 36,6 Mt d’ici 2031, l’offre étant alors prévue à environ 30,1 Mt, créant un déficit de 6,5 Mt au début de la prochaine décennie, selon McKinsey & Company. La demande pourrait doubler pour atteindre 50 millions de tonnes d’ici 2035, selon les prévisions de S&P Global, la demande la plus forte venant des États-Unis, de la Chine, de l’Europe et de l’Inde. Le niveau record de la demande serait soutenu et continuerait de croître pour atteindre 53 millions de tonnes en 2050, soit plus que tout le cuivre consommé dans le monde entre 1900 et 2021.
Même les prévisionnistes les plus conservateurs prévoient une croissance de la demande d’un tiers au cours de la prochaine décennie, à mesure que les gouvernements et les entreprises intensifient leurs investissements dans la décarbonation.
le cuivre et la transition energetique
Aura-t-on assez de cuivre pour répondre au scénario idéal de transition énergétique ?
S&P Global prédit également que l’offre de cuivre ne sera pas en mesure de répondre à la demande dès 2025. Cette pénurie pourrait même menacer la sécurité internationale dans un contexte de ruée mondiale pour cette précieuse ressource.
Une demande supérieure à l’offre pourrait faire grimper le coût de l’électrification, ralentissant ainsi la transition énergétique dans les années cruciales où elle doit se dérouler au rythme nécessaire pour atteindre les objectifs climatiques convenus.
La forte demande croissante ne constitue pas l’unique raison de l’augmentation des prix du cuivre : l’offre a également progressé lentement ces dernières années. D’après l’International Copper Study Group, la production mondiale de cuivre extrait s’élevait à 21,8 millions de tonnes en 2022, soit seulement 1 million de tonnes de plus en trois ans.
Il est improbable que cette croissance s’accélère dans le futur. Les recherches de Goldman Sachs montrent que les approbations réglementaires pour les nouvelles mines de cuivre sont en déclin, atteignant leur plus bas niveau en 15 ans.
Ceci est particulièrement inquiétant, car l’approbation et le développement des mines peuvent prendre de 10 à 20 ans. Même si cette tendance s’inversait demain, une période de croissance plus lente pour l’extraction du cuivre est déjà inévitable.
S&P Global attribue le sous-investissement dans l’extraction et l’exploration du cuivre à la priorité donnée aux rendements à court terme dans l’industrie. De plus, le secteur du cuivre fait face à de multiples pressions : la nécessité de se décarboner, l’instabilité politique dans de nombreux pays miniers, et les atteintes à sa réputation dues à des incidents de sécurité et environnementaux, tels que l’effondrement catastrophique du barrage de la mine de Córrego de Feijão en 2019.
L’industrie subit désormais une surveillance accrue de la part des régulateurs et des communautés locales, certains opérateurs réduisant leurs effectifs et ralentissant leurs activités en réponse aux protestations locales.
Dans le même temps, les réserves de cuivre étant limitées, l’industrie « a besoin de poursuivre les investissements et de prendre des décisions sur de nouveaux projets d’extraction afin de répondre à la croissance future », a déclaré Nick Pickens, directeur de recherche sur l’exploitation minière mondiale chez Wood Mackenzie.
« Malgré le fait que les prix du cuivre ont été assez élevés au cours des deux dernières années, nous ne constatons pas le rythme d’approbation des nouveaux projets nécessaire pour combler ce déficit d’approvisionnement », a-t-il déclaré.
Preuve de la difficulté de développer de nouveaux projets de cuivre, BHP Group a proposé un rachat d’Anglo American Plc pour 39 milliards de dollars, dans le cadre d’une tendance plus large de fusions et d’acquisitions alors que les producteurs de métaux cherchent à acheter plutôt qu’à accroître leur production.
L’incapacité de l’industrie à fournir suffisamment de cuivre pourrait faire dérailler la transition vers des sources d’énergie plus propres. Alors que l’offre mondiale devrait augmenter de 26 % pour atteindre 38,5 millions de tonnes par an d’ici 2035, elle sera probablement inférieure de 1,7 % à la demande, même avec un recyclage accru, selon les données publiées cette semaine par l’International Copper Association (ICA), un organisme de commerce du secteur.
En effet, même si les taux de recyclage du cuivre augmentent, les dirigeants de l’industrie affirment qu’une véritable « économie circulaire » dans laquelle il est presque entièrement recyclé n’est probablement pas imminente. Aurubis affirme que près de la moitié de ses cathodes en cuivre sont fabriquées à partir de matériaux recyclés, mais qu’il faudra des décennies pour atteindre 100 %.
De fait, le cuivre recyclé représentait environ 32 % de la demande de cuivre au cours de la dernière décennie, selon l’International Copper Association. Ce nombre devrait augmenter à mesure que, par coïncidence, les composants d’énergie propre tels que les batteries de véhicules électriques, les panneaux solaires et les éoliennes arrivent en fin de vie et sont recyclés au lieu de finir dans les décharges.
« Vous pouvez réutiliser le cuivre indéfiniment sans perdre sa conductivité », a déclaré Pickens. « Nous espérons que la proportion de ferraille utilisée augmentera à long terme jusqu’à atteindre 45 à 50 % du marché du cuivre ». Néanmoins, « Le recyclage des matériaux, même si tout pouvait être collecté, ne suffirait en aucun cas à répondre à la demande », a déclaré Roland Harings, PDG d’Aurubis. « Nous avons besoin de davantage d’activités minières, car la demande de cuivre ne fera qu’augmenter dans les années à venir. »
Goldman Sachs estime que l’industrie devra dépenser 150 milliards de dollars au cours de la prochaine décennie pour combler un déficit d’approvisionnement annuel prévu de 8 millions de tonnes. Pour déclencher ce type de dépenses, les sociétés minières auraient besoin que les prix atteignent des niveaux records, selon Trafigura et BlackRock.
En outre, une étude récente de l’Université du Michigan et de l’Université Cornell a également démontré le chemin irréaliste à venir. Adam Simon, professeur de géologie et d’études environnementales à l’U of M, a souligné : « Nous montrons dans l’article que la quantité de cuivre nécessaire est impossible à produire pour les sociétés minières.»
Ajoutant que la demande émergente des centres de données, qui nécessitent également des quantités considérables de cuivre pour la construction et les besoins en énergie, le marché du cuivre forcera une réévaluation mondiale de la stratégie renouvelable actuelle.
Cependant, il faut supposer que les prévisions de demande les plus optimistes se révèlent exactes, et simultanément que les prévisions d’offre les plus pessimistes se réaliseront également pour avoir ces différents de scénarios de déficit dans le moyen et long terme. En effet, il faut également s’attendre à ce que l’innovation technologique ne réduise pas le besoin de métal ; que la crise géopolitique et les guerres commerciales ne feront pas dérailler la croissance économique mondiale ; et que les taux de recyclage ne s’amélioreront pas. Cela fait beaucoup, vraiment, beaucoup, d’hypothèses à respecter pour « respecter » ce scénario de déficit.
Ainsi, il existe également des scénarios dans lesquels la transition énergétique prend de plus de temps que prévu ou se réalise de manière très hétérogène à l’échelle mondiale et donc la hausse de la demande serait beaucoup plus étalée dans le temps. On pourrait également avoir des avancées technologiques qui permettraient de produire plus de cuivre de manière « verte », ou même qui permettraient de remplacer le cuivre dans certains pans de l’industrie, ce qui écarterait un scénario de déficit aggravé.

Vincent Barret
Auteur
Expert en Finance de Marché et Matières Premières, Vincent est passionné par leur impact géopolitique et macroéconomique.
Avec un solide parcours, il s’engage à démocratiser la compréhension des matières premières.
À travers ses écrits dans nos chroniques Finneko, Vincent aide à mieux appréhender le monde économique, pour des choix d’investissement éclairés.
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