CHRONIQUES
Le cuivre, de nouveau en-dessous de 10 000 dollars la tonne ?
L’Indonésie, un important producteur de cuivre, a décidé de reporter le début de l’interdiction de ses exportations de concentré de cuivre jusqu’à la fin de l’année, une mesure qui pourrait faire baisser les prix du cuivre après qu’ils aient atteint un niveau record historique de 11 000 dollars la tonne sur le London Metal Exchange (LME) en mai.
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L’Indonésie reporte son interdiction des exportations de cuivre
L’Indonésie délivrera des nouveaux permis d’exportation de concentré de cuivre à la société minière Freeport Indonesia et à Amman Mineral Internasional, a déclaré vendredi 31 mai, un responsable du ministère du Commerce, garantissant que les exportations des deux sociétés ne seraient pas perturbées.
Les principaux mineurs de cuivre en Indonésie, Freeport Indonesia et Amman Mineral, devaient commencer à traiter le cuivre dans leurs nouvelles fonderies respectives en mai 2024, et ils avaient des permis d’exportation pour le concentré de cuivre jusqu’au 31 mai.
L’Indonésie a toujours été une source majeure de concentrés pour les fonderies étrangères, mais elle avait annoncé qu’elle interdirait leurs exportations afin de stimuler les investissements dans les installations de transformation terrestres. PT Freeport Indonesia et PT Amman Mineral Internasional ont toutes deux construit des usines pour traiter les concentrés produits par leurs mines, mais il leur faut des mois pour atteindre leur pleine capacité.
En Indonésie, Freeport Indonesia et Amman Mineral, exploitent des mines de grande envergure. Freeport Indonesia gère la célèbre mine de Grasberg, située dans la province de Papouasie. Cette mine est l’une des plus grandes au monde pour le cuivre et l’or, et elle joue un rôle crucial dans la production de cuivre concentré du pays.
De son côté, Amman Mineral exploite la mine de Batu Hijau, située sur l’île de Sumbawa, dans la province de Nusa Tenggara occidental. Batu Hijau, la deuxième plus grande mine de cuivre et d’or d’Indonésie, a été acquise par Amman Mineral en 2016. Ces deux mines sont parmi les plus importantes et les plus productives du pays, contribuant de manière significative à l’économie nationale et à l’industrie minière indonésienne.
De fait, l’Indonésie avait déjà interdit les expéditions de tous les minéraux bruts à partir de juin 2023, mais Freeport et Amman avaient bénéficié d’une dispense d’un an, jusqu’en mai 2024, pour exporter leur concentré de cuivre afin de donner aux mineurs plus de temps pour terminer la construction de leurs fonderies. Cependant, dernièrement, les deux sociétés avaient depuis fait pression sur le gouvernement pour obtenir une nouvelle prolongation, arguant que leurs fonderies n’atteindraient pas leur pleine capacité d’ici le mois prochain.
D’ailleurs, Amman a commencé la mise en service de sa fonderie, et la production du premier lot de cathodes de cuivre est attendue au second semestre 2024, a indiqué vendredi la société dans un communiqué.
De son côté, le directeur général de Freeport Indonesia, Tony Wenas a réitéré que la construction de la fonderie de Gresik serait terminée d’ici mai et commencerait à fonctionner le mois suivant, pour atteindre sa pleine capacité plus tard en 2024. La fonderie raffinera 1,7 million de tonnes de concentré de cuivre et produira jusqu’à 600 000 tonnes de cathodes de cuivre par an.
Ainsi, Budi Santoso, directeur général du commerce international au ministère du Commerce a déclaré, vendredi 31 mai, que les permis entreront en vigueur le 1er juin. Il a déclaré que l’Indonésie avait précédemment prévu d’imposer une interdiction des exportations de concentré de cuivre à partir du 1er juin, mais le début de l’interdiction sera désormais reporté au 31 décembre 2024.
L’Indonésie avait pris une telle décision, car le pays souhaite que ses mineurs de cuivre locaux construisent des fonderies et commencent à traiter le matériau brut localement, afin de stimuler l’économie et d’offrir des produits en cuivre à plus forte valeur ajoutée, cruciaux pour les équipements d’énergie propre et les mises à niveau des réseaux électriques.
Le report du début des restrictions à l’exportation pourrait peser sur le sentiment du marché du cuivre, où les prix ont atteint un niveau record ce mois-ci, dépassant pour la première fois la barre des 11 000 dollars la tonne.
Malgré des fondamentaux faibles, notamment en Chine, qui est le premier consommateur et raffineur mondial de cuivre, les prix du cuivre ont augmenté ces dernières semaines alors que de nombreux traders parient sur une possible pénurie d’approvisionnement sur le marché.
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Les stocks de cuivre en Chine en forte hausse depuis le début d’année
Toutefois, la réalité sur le marché physique n’est pas l’histoire que raconte les marchés financiers. Tout d’abord, les stocks de cuivre surveillés par la Bourse des matières premières de Shanghai continuent de croître de manière contre-saisonnière, atteignant 322 000 tonnes, bien au-dessus de la moyenne saisonnière de 130 000 tonnes, a déclaré Ole Hansen, responsable de la stratégie des matières premières chez Saxo Bank.
De plus, les volumes entrants de concentré de cuivre ont augmenté de 7 % en glissement annuel pour atteindre 9,34 millions de tonnes entre janvier et avril, les acteurs chinois s’adaptant manifestement à la perte de la mine de Cobre Panama après sa fermeture fin 2023. La plus grande disponibilité de concentrés de cuivre s’est traduite par une augmentation de la production intérieure de cuivre raffiné. Après une hausse de 8 % au premier trimestre de l’année, la croissance de la production s’est accélérée pour atteindre 9 % en avril.
L’accord conclu en mars par les fonderies chinoises pour réduire la production en raison de conditions de traitement non rentables a été l’un des déclencheurs de la forte hausse du cuivre, mais son impact sur le taux de production du pays est jusqu’à présent difficile à discerner. En fait, la réalité est qu’elles ont avancé la maintenance pour correspondre à l’objectif de réduction de capacité de 5 à 10 %, donc la capacité n’a pas été définitivement fermée.
Pendant ce temps, les ferrailleurs, ont observé la hausse du cuivre, mais étant donné que les précédents rallyes ont échoué, il semblait être un bon moment pour effectuer des ventes au comptant. Plus de 100 000 tonnes de ferraille, provenant de pots, de tuyaux et de fils mis au rebut sont entrées sur le marché. Ainsi l’alliance de la saisonnalité en termes d’importation, l’attente des acheteurs physique chinois de cuivre pour que les prix baissent, et la continuité du fonctionnement des fonderies expliquent l’augmentation des stocks de cuivre, que nous avons constaté depuis janvier.
Cette dynamique explique également pourquoi les primes chinoises sur les métaux sont tombées à zéro et que le marché des importations de Shanghai est fermé :
Ainsi, avec des fondamentaux très faibles du côté de la Chine, quand on voit l’ampleur de la hausse des prix du cuivre, il y a une forte probabilité que celui-ci s’est détachée des fondamentaux à court terme, et que cette montée spéculative, et a été principalement alimentée par le sentiment des investisseurs et les attentes croissantes d’une réaccélération de la croissance mondiale, notamment par l’espérance de baisse rapide des taux d’intérêts directeurs par les banques centrales, et d’une relance également rapide de la Chine.
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Les mesures de relance, peut-être pas suffisante pour soutenir le marché immobilier chinois
Concernant la Chine, Pékin a annoncé dernièrement certaines de ses mesures les plus fortes à ce jour pour relancer son secteur immobilier criblé de dettes, encourageant les gouvernements locaux à acheter des biens immobiliers et assouplissant les règles hypothécaires dans le but de stimuler la reprise de la deuxième économie mondiale.
Le vice-Premier ministre chinois He Lifeng a déclaré que les gouvernements locaux des régions où il existe un parc de logements commerciaux relativement important étaient autorisés à acheter certaines maisons à des prix raisonnables et à les fournir sous forme de logements abordables, a rapporté l’agence de presse Xinhua.
Jusqu’à présent, Pékin a principalement mis l’accent sur la nécessité d’achever les projets inachevés, que les acheteurs de maison achètent souvent à l’avance auprès des promoteurs. Les analystes anticipent depuis longtemps les achats de logements par le gouvernement.
La transition vers un nouveau modèle de développement immobilier s’aligne également sur l’esprit de la Conférence centrale du travail économique, qui a donné le ton, qui a appelé à « établir le nouveau avant d’abolir l’ancien ». Avec l’annonce d’un fonds de 300 milliards de yuans, pour soutenir les achats publics de logements invendus, le gouvernement chinois a semblé, enfin déployer une puissance de feu majeure pour faire face à un ralentissement de trois ans du marché immobilier du pays.
Les fonds de « prêt » permettront aux entreprises publiques locales d’acheter des maisons invendues qu’elles pourront ensuite proposer comme logements abordables, ont déclaré de hauts responsables. Ils seront proposés à 21 prêteurs nationaux, des banques politiques aux banques commerciales publiques et aux banques par actions, à un taux de 1,75 pour cent, selon Tao Ling, gouverneur adjoint de la Banque populaire de Chine.
Cette décision vise à encourager les institutions financières à accorder des financements à certaines entreprises publiques régionales pour soutenir leurs achats de logements invendus, a déclaré Tao Ling, gouverneur adjoint de la Banque populaire de Chine. Cela devrait se traduire par environ 500 milliards de yuans de prêts bancaires pour l’achat de logements.
En effet, les données économiques récentes soulignent l’urgence d’agir. Le secteur immobilier, autrefois un moteur important de la croissance économique, n’a pas encore atteint son point bas : les prix des logements neufs dans 70 villes ont baissé pour le dixième mois consécutif, chutant de 0,6 % en avril, le rythme mensuel le plus rapide depuis plus de neuf ans.
Les ventes immobilières par superficie entre janvier et avril ont enregistré une baisse de 20,2 % sur un an, tandis que les mises en chantier ont chuté de 24,6 %. Les fonds levés par les promoteurs ont également diminué de 24,9 % sur un an.
La croissance annuelle de l’encours total du financement social, une mesure large du crédit et de la liquidité dans l’économie, a ralenti pour atteindre un plus bas historique de 8,3 % en avril. Néanmoins, en creusant, cette somme qui a certes fait un effet d’annonce notamment sur les métaux industriels, n’est probablement pas suffisante pour régler cette crise de manière structurelle. Par exemple, Goldman Sachs a estimé la semaine dernière que, sur la base des coûts, la Chine dispose de 30 000 milliards de RMB de logements invendus, couvrant des terrains et des appartements achevés, soit l’équivalent de 10 fois le montant vendu par le gouvernement. Et Goldman Sachs a estimé qu’en plus du parc de logements invendus, il existait en Chine 90 à 100 millions d’unités “d’offre fantôme”, qui étaient souvent achetées comme immeubles de placement et n’avaient pas été habitées.
Les logements invendus s’élevaient à 330 millions de mètres carrés en 2023, soit le chiffre le plus élevé depuis 2016, selon les données officielles. Selon la banque d’investissement japonaise Nomura, 20 millions de logements prévendus non construits ou retardés étaient au nombre de 2022 à travers le pays, avec 3 200 milliards de yuans nécessaires pour leur achèvement. Même si les estimations du parc de logements invendus en Chine varient, elles éclipsent généralement le financement dévoilé par la Banque populaire de Chine.
Ainsi, l’opinion prudente des observateurs du secteur reflète à quel point la détérioration du marché immobilier chinois, qui a freiné les efforts de relance économique du continent, reste intimidante et nécessiterait plus de temps, d’argent et de soutien politique que ce que Pékin a introduit jusqu’à présent.
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Les taux directeurs de la BCE et la FED devraient rester en territoire restrictif
Actuellement, les investisseurs s’attendent à une première baisse de taux de 25 bps lors de sa réunion le 6 juin par la Banque Centrale Européenne (BCE) et pareillement pour la Réserve Fédérale Américaine (FED) en septembre prochain.
Néanmoins, concernant cette dernière, les espoirs d’une rapide baisse des taux ont été contrecarré par des propos de plusieurs responsables de la FED ces dernières semaines. Plusieurs responsables de la FED ont exprimé leur réticence à réduire les taux à court terme, soulignant la nécessité de disposer de données d’inflation plus cohérentes avant d’envisager des changements de politique.
Ils ont déclaré qu’ils croyaient toujours que les pressions sur les prix s’atténueraient au moins lentement dans les mois à venir, mais des doutes sont apparus quant à savoir si le niveau actuel des taux d’intérêt était suffisamment élevé pour garantir ce résultat. « Divers » responsables ont déclaré qu’ils seraient prêts à augmenter à nouveau les coûts d’emprunt si l’inflation augmentait.
De ce fait, les marchés financiers n’anticipent plus qu’une seule baisse de taux de la Fed cette année, bien loin des six réductions projetées en début d’année.
Alors, entre les fondamentaux qui restent encore faibles du côté chinois notamment avec la continuité de la crise du secteur immobilier, une politique monétaire américaine qui pourrait rester restrictive sur toute l’année 2024, une politique monétaire européenne qui pourrait s’adoucir tout en restant en terrain restrictif, et à présent le report de la restriction des exportations de cuivre concentré d’Indonésie, il n’est pas impossible de voir le prix du cuivre du LME de nouveau descendre en-dessous des 10 000 dollars la tonne et revenir vers les niveaux de 9500-9600 dollars la tonne sur le moyen terme.
Vincent Barret
Auteur
Expert en Finance de Marché et Matières Premières, Vincent est passionné par leur impact géopolitique et macroéconomique.
Avec un solide parcours, il s’engage à démocratiser la compréhension des matières premières.
À travers ses écrits dans nos chroniques Finneko, Vincent aide à mieux appréhender le monde économique, pour des choix d’investissement éclairés.
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