CHRONIQUES

Article rédigé par Osbrah, ex-banquier, désormais investisseur et trader indépendant, et co-directeur d’un fonds d’investissement alternatif régulé au Luxembourg. Yanis est également le fondateur de CryptoRise Group, une académie et communauté de trading en ligne.

Le marché crypto a montré une certaine faiblesse ces derniers mois, après un bull run relativement court qui a permis au Bitcoin d’atteindre un nouvel « all-time high » (ATH). Ensuite, ce sont les « 7 Magnifiques » (les principales valeurs technologiques) qui ont capté l’attention des investisseurs, contribuant à la montée continue du S&P 500, jusqu’à ce que les récents chiffres du marché du travail et de l’inflation freinent cette dynamique. Ce ralentissement semble logique après une telle envolée, et un pullback (repli) nécessaire pourrait précéder un nouveau départ vers des sommets. L’avenir – ou plutôt Jérome Powell – nous le dira.

La Fed, rappelons-le, a un double mandat : maintenir la stabilité des prix (inflation) et favoriser le plein emploi. Quand les chiffres économiques sur ces deux fronts sont mauvais, les marchés réagissent généralement mal : une inflation trop élevée ou un marché du travail en surchauffe peut faire chuter les marchés. À l’inverse, de bons chiffres rassurent les investisseurs, et cela se voit habituellement dans les graphiques boursiers.

Les derniers chiffres de l’emploi ont toutefois inquiété. Le taux de chômage, en hausse marquée en juillet à 4,3 %, a alimenté les craintes d’une récession aux États-Unis. Ce chiffre a amené Jérome Powell à indiquer, de manière plus explicite que d’habitude, que la Fed pourrait ajuster sa politique monétaire pour répondre à ces signes de faiblesse. En août, le taux de chômage a légèrement baissé à 4,2 %, offrant un peu de répit aux marchés.

Concernant l’inflation, la situation nécessite une certaine prudence. Le taux d’inflation, mesuré par le CPI (Consumer Price Index), était de 2,5 % en septembre, contre 2,9 % à la même période l’année dernière, ce qui semble encourageant. Cependant, il est important de rappeler que le CPI prend en compte les prix de l’énergie et des biens alimentaires, qui peuvent être fortement influencés par des facteurs extérieurs, comme les décisions de l’OPEP sur le pétrole.

En revanche, le « core CPI » (l’indice d’inflation sous-jacent qui exclut l’énergie et les produits alimentaires) est en hausse : +0,3 % en septembre contre +0,2 % en août. Cela montre que la pression inflationniste reste présente dans d’autres secteurs, notamment les services. Le PMI (Purchasing Managers Index) des services, qui mesure l’activité économique, plafonne à 55-56, bien au-dessus du niveau neutre de 50, indiquant une tendance persistante à la hausse.

L’indice du dollar américain (DXY) se stabilise à 101,65, après avoir chuté depuis son sommet de 106,46 en avril 2024, puis trouvé du support autour des 100,5 en août. Cette tendance reflète l’ajustement des attentes des marchés face à la politique monétaire de la Fed, influencée par la modération des pressions inflationnistes. En parallèle, l’inversion de la courbe des taux, avec un rendement à 10 ans à 3,65 % et à 2 ans à 3,67 %, signale des inquiétudes sur l’économie à long terme.

Du côté du marché des cryptomonnaies, qui a été boudé par les investisseurs se tournant vers des actifs plus sûrs, beaucoup attendent le pivot de la Fed. Ce changement de politique pourrait nourrir l’espoir d’un nouveau bull run. Il faut néanmoins garder à l’esprit que ce pivot est largement anticipé, notamment une baisse de 25 points de base (0,25 %). Si ce scénario conservateur se matérialise, il est probable que la réaction du marché sera limitée, car cette nouvelle serait déjà partiellement intégrée dans les cours, en particulier celui du Bitcoin, qui domine et surperforme l’ensemble du marché crypto. Pour rappel, la dominance du Bitcoin est élevée, autour de 57,5 %. C’est pourquoi nous nous concentrerons sur ce dernier plutôt que sur le marché des actifs alternatifs.

Certains, cependant, anticipent une baisse plus agressive de 50 points de base. Bien que moins probable, cette option apporterait son lot de volatilité et d’incertitudes. Une telle baisse pourrait susciter des doutes quant à la capacité de la Fed à assurer un « soft landing » (atterrissage en douceur de l’économie), ravivant ainsi les craintes d’une crise plus profonde. Pour certains investisseurs, une baisse des taux est perçue comme un signal bullish (hausse du marché), mais il est important de rester vigilant : une baisse agressive peut aussi signifier que l’économie rencontre des problèmes sous-jacents plus sérieux.

Le Bitcoin a trouvé un soutien autour des 55 000 $, laissant derrière lui ceux qui l’attendaient à 51 000 $. Il est rare que le marché fasse des cadeaux et réponde aux attentes de la majorité.

Sans dire que le bottom est définitivement établi, un maintien au-dessus des 56 000 $, où se situe notre précédent bas de range ainsi que notre Value Area Low, serait un signal positif, et nous pourrions revoir les 60 000 $ rapidement.

Si ce support clé venait à céder, une chute vers les 50 000 $ pourrait se produire. Ce niveau constitue un rempart important avant une possible accélération baissière. C’est par ailleurs un niveau intéressant pour se repositionner, avant d’envisager plus bas.

Il est encore trop tôt pour parler de nouveaux ATHs. Plusieurs zones de résistance importantes devront d’abord être franchies, notamment autour des 61 800 $ et 65 000 $, où une large zone de distribution fait office de barrage.

Les altcoins, souvent prisés par les investisseurs particuliers, restent faibles tant que la dominance du Bitcoin demeure aussi élevée. Il ne faut donc pas s’attendre à des performances exceptionnelles sur l’ensemble du marché alternatif. Il est conseillé de privilégier quelques actifs solides et sûrs en attendant des jours meilleurs. D’ici là, restez prudents et évitez de céder à la panique ou au FOMO.