CHRONIQUES
Le marché du pétrole ne trouve pas son chemin
Dans cette nouvelle chronique, on vous réserve un panorama complet sur la situation actuelle de l’or noir et de ses potentielles retombées. Décryptage.
le marché du pétrole
La chute des prix du pétrole en mai
Les prix du pétrole ont fortement baissé au cours du mois de mai, avec le contrat de pétrole brut Brent chutant de 7,54 % (USD) et le pétrole brut WTI diminuant de 5,86 % (USD). Ces baisses ont été influencées par des signes d’augmentation de l’offre mondiale coïncidant avec des perspectives de demande incertaines et une diminution du risque géopolitique.
Cela a engendré que les spéculateurs étaient devenus baissiers sur les cours du brut dès le début du mois de mai. En effet, les investisseurs étaient vendeurs dès la première semaine de mai des contrats à terme et des options sur le pétrole au rythme le plus rapide depuis un an, alors que la prime de risque de guerre continuait de s’évaporer et que la forte reprise attendue de la consommation s’essouffle.
Les hedge funds avaient vendu l’équivalent de 143 millions de barils dans le cadre des six principaux contrats dérivés liés au pétrole au cours des sept jours se terminant le 7 mai. Le positionnement était devenu fortement baissier, passant de modérément haussier début avril, sur la base de rapports déposés auprès d’ICE Futures Europe et de la Commodity Futures Trading Commission des États-Unis.
Le positionnement est devenu exceptionnellement baissier à l’égard du WTI, avec une détention nette de seulement 83 millions de barils. La croissance persistante de la production américaine de brut a permis de garantir que les stocks restent proches de la moyenne à long terme et que le marché régional soit bien approvisionné.
Effectivement, les stocks commerciaux américains de brut sont à peine 5 millions de barils (-1 %) inférieurs à la moyenne saisonnière des dix dernières années et la situation n’a pas changé de manière significative depuis le début de l’année.
En revanche, le Brent était neutre, avec une détention nette de 261 millions de barils. Le positionnement moins baissier sur le Brent reflète probablement un risque de conflit résiduel au Moyen-Orient et une moindre exposition de la mer du Nord à la surproduction aux États-Unis.
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Les premiers signes de tassements de l’économie américaine
Concernant les fondamentaux, commençons par la demande, les données macroéconomiques de la Chine et des États-Unis, en particulier dans le secteur manufacturier (qui est un grand consommateur de pétrole), ont été révisées à la baisse. Aux États-Unis, où la combinaison de taux d’intérêt élevés et d’une inflation persistante pèse sur l’activité industrielle.
D’ailleurs, l’économie américaine a progressé à un rythme plus lent au premier trimestre que prévu initialement, reflétant principalement le ralentissement des dépenses de consommation en biens.
Le produit intérieur brut a augmenté de 1,3% en rythme annualisé au cours des trois premiers mois de l’année, en dessous de l’estimation précédente de 1,6%, selon les chiffres du Bureau of Economic Analysis. Ces chiffres soulignent une perte de dynamique au début de 2024, après des surprises haussières continuelles en 2023.
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Une consommation de diesel, toujours tiède aux Etats-Unis
Les constructeurs américains sortent progressivement d’un ralentissement prolongé mais léger au cours des deux dernières années, mais les progrès ont été intermittents et leur consommation de diesel reste tiède, ce qui pèse sur les prix du pétrole.
L’indice manufacturier de l’Institute for Supply Management a chuté à 48,7 en mai, contre 49,2 en avril et un récent sommet de 50,3 en mars. Le chiffre de mars était la première fois que l’indice dépassait le seuil de 50 points, signalant une expansion, depuis octobre 2022, mais il est depuis retombé en territoire de contraction au cours des deux derniers mois.
Le sous-indice de production de l’enquête est tombé à 50,2 en mai, après un récent sommet de 54,6 en mars, alors que les taux d’activité ont faibli. Indiquant que l’expansion pourrait rester décousue pendant encore quelques mois, la composante des nouvelles commandes a chuté à 45,4 en mai, contre 51,4 en mars.
L’industrie manufacturière fournit moins d’emplois et représente une part plus faible de la production économique globale, mais elle est beaucoup plus gourmande en énergie. Ainsi, les performances médiocres du secteur manufacturier ont donc freiné la consommation globale d’énergie, même si la croissance plus rapide des services a stimulé l’économie et l’emploi dans leur ensemble.
Les attentes du début de l’année selon lesquelles une accélération de l’industrie manufacturière aux États-Unis et dans les autres grandes économies entraînerait une hausse de la consommation et des prix du diesel ne se sont pas concrétisées.
Plus des trois quarts de tous les diesel et autres fiouls distillés sont utilisés dans le transport de marchandises, la fabrication et la construction, de sorte que la consommation de distillats est normalement étroitement liée au cycle de fabrication.
Mais la consommation de distillats a été encore plus terne que la reprise lente et hésitante de l’activité manufacturière au cours des six derniers mois. Reflétant une consommation tiède et une forte transformation du brut dans les raffineries pour fabriquer de l’essence, les stocks de distillats ont suivi une tendance à la hausse au cours des trois derniers mois.
Les stocks étaient encore 10 millions de barils (-8%) en dessous de la moyenne saisonnière des dix dernières années au 31 mai, selon les données de l’EIA. Mais le déficit saisonnier s’est réduit par rapport à 18 millions de barils (-13%) début mars.
Les stocks sont restés stables ou ont augmenté à une période de l’année où ils seraient normalement en train de s’épuiser et ont atteint un sommet saisonnier sur quatre ans. Les traders s’attendent à ce que les réserves de diesel restent abondantes au cours des prochains mois.
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Une consommation d’essence également en berne aux Etats-Unis
Le marché américain de l’essence montre des signes de faiblesse au début de la saison estivale, une période où il reprend généralement fortement. La consommation américaine d’essence représente environ 10 % de la demande mondiale de pétrole. La hausse des stocks de pétrole au cours des derniers mois démontre la faiblesse de la demande de carburant.
Les inquiétudes concernant la demande américaine d’essence ont maintenu les prix à terme de l’essence près de leur plus bas niveau depuis deux mois, réduisant les spreads sur l’essence et le crack 321, qui mesurent les marges bénéficiaires du raffinage, à leurs plus bas niveaux depuis février.
La faiblesse de la demande américaine d’essence est probablement due à une combinaison de facteurs, notamment un nombre record de voyageurs choisissant de prendre l’avion pendant le week-end férié au lieu de parcourir de longues distances. Des voitures et des véhicules électriques plus économes en carburant réduisent également la consommation d’essence
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Une crise immobilière qui continue à persévérer en Chine
En Chine, cela met en évidence les défis persistants dans le secteur chinois, notamment liés à la crise immobilière. L’activité manufacturière chinoise a chuté de manière inattendue en mai, ce qui maintient les appels à de nouvelles mesures de relance alors que la crise immobilière prolongée dans la deuxième économie mondiale continue de peser sur la confiance des entreprises, des consommateurs et des investisseurs.
L’indice officiel des directeurs d’achat (PMI) dans le secteur manufacturier est tombé à 49,5 en mai contre 50,4 en avril, a annoncé vendredi le Bureau national des statistiques (BES), en dessous de la barre des 50 séparant croissance et contraction et en dessous des prévisions des analystes de 50,4.
Les sous-indices du PMI pour les nouvelles commandes et les nouvelles commandes à l’exportation sont tous deux revenus en contraction après deux mois de croissance, tandis que l’emploi a continué à se contracter.
Les problèmes du secteur immobilier ont eu un impact négatif sur de vastes pans de l’économie chinoise et ont ralenti les efforts de Pékin pour orienter davantage son modèle de croissance vers la consommation intérieure plutôt que vers des investissements alimentés par la dette. Les ventes immobilières par superficie entre janvier et avril ont enregistré une baisse de 20,2 % sur un an, tandis que les mises en chantier ont chuté de 24,6 %. Les fonds levés par les promoteurs ont également diminué de 24,9 % sur un an.
La croissance annuelle de l’encours total du financement social, une mesure large du crédit et de la liquidité dans l’économie, a ralenti pour atteindre un plus bas historique de 8,3 % en avril.
Le mois dernier, les ventes au détail ont connu leur croissance la plus lente depuis décembre 2022, tandis que les prix des logements neufs ont chuté à leur rythme le plus rapide en neuf ans, ce qui suggère qu’il est trop tôt pour dire si l’économie malmenée a enfin franchi un cap.
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Une géopolitique qui ne perturbe toujours pas les approvisionnements de pétrole
Ensuite, la prime de risque géopolitique a diminué, d’une part alimentée par les espoirs d’un apaisement des tensions au Moyen-Orient, y compris un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Selon la première phase d’une résolution approuvée lundi par le Conseil de sécurité des Nations Unies, Israël et le Hamas mettraient immédiatement un terme aux hostilités. Les otages israéliens actuellement détenus par le Hamas seraient également libérés et Israël retirerait toutes ses forces de la bande de Gaza.
Selon le Wall Street Journal, les États-Unis ont déclaré qu’Israël avait accepté l’accord, tandis que les négociateurs du Hamas attendent qu’Israël s’engage à un cessez-le-feu permanent. De manière globale Au Moyen-Orient, les combats entre Israël, le Hamas, l’Iran et les Houthis n’ont pas perturbé la production de brut et les flux de pétroliers ont été détournés avec succès pour éviter les attaques contre les navires dans la mer Rouge.
D’autre part, la menace que représentent les attaques de drones ukrainiens contre des raffineries russes, qui ont culminé au premier trimestre de l’année, sur l’approvisionnement mondial en carburant, a diminué après la pression des États-Unis pour modifier le programme de ciblage.
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L’OPEP+ change de stratégie
Enfin, lors de sa réunion le dimanche 2 juin, le groupe OPEP+ a convenu de prolonger la plupart de ses réductions d’approvisionnement jusqu’en 2025, mais a laissé la porte ouverte à une suppression progressive des réductions volontaires par huit pays membres à partir d’octobre. En effet, actuellement l’OPEP+ a réduit sa production de 5,86 mbj. Parmi celle-ci, elles sont recoupées en 2 : celles-ci comprennent des réductions de 3,66 millions de b/j, qui devaient expirer fin 2024, et des réductions volontaires par huit membres de 2,2 millions de b/j, expirant fin juin 2024.
De fait, l’OPEP+ a accepté de prolonger les réductions de 3,66 millions de b/j d’un an jusqu’à fin 2025 et de prolonger les réductions de 2,2 millions de b/j de trois mois jusqu’à fin septembre 2024, puis de donner la flexibilité aux huit membres concernés de pouvoir annuler progressivement leurs réductions respectives dès le mois d’octobre 2024.
En conséquence, d’ici décembre, plus de 500 000 barils par jour pourraient réintégrer le marché, avec un total de 1,8 million de barils par jour d’ici juin 2025. Cela se produit dans le contexte d’une augmentation de la production des pays non-membres de l’OPEP tels que les États-Unis, la Norvège, le Canada, le Brésil et la Guyane, ce qui réduit la prime de risque liée à l’offre.
Les augmentations de production programmées marquent un changement de stratégie de l’OPEP⁺, dirigée par l’Arabie saoudite, qui s’était auparavant concentrée sur l’épuisement des stocks excédentaires et sur la hausse des prix vers 100 dollars le baril. Au lieu de cela, le groupe s’est concentré sur la stabilisation, voire la reconquête, d’une partie de la part de marché perdue au cours des deux dernières années au profit de producteurs concurrents aux États-Unis, au Canada, au Brésil et en Guyane.
Les réductions de production officielles et volontaires répétées par l’Arabie saoudite et d’autres membres de l’OPEP⁺ n’ont pas réussi à faire monter les prix (même si elles ont probablement évité une baisse plus grave). Au lieu de cela, ils ont jeté une bouée de sauvetage aux producteurs aux coûts plus élevés de l’hémisphère occidental, les encourageant à maintenir, voire à augmenter leur production. La diminution de la part de marché de l’OPEP⁺ est tout simplement devenue trop douloureuse et controversée à maintenir.
Les augmentations programmées visent à signaler qu’il existe une limite à la mesure dans laquelle l’Arabie saoudite et ses alliés les plus proches réduiront eux-mêmes leur production pour soutenir les prix et qu’ils n’acceptent pas que les réductions soient permanentes. Pour stabiliser et reconquérir des parts de marché, l’OPEP⁺ a besoin d’une croissance plus lente de la production de ses concurrents et d’une croissance plus rapide de la consommation.
Les deux impliquent une baisse des prix pour imposer un ralentissement des forages, stimuler la consommation de carburant et laisser la place à davantage de brut de l’OPEP. En effet, pour que l’OPEP⁺ pompe plus, d’autres doivent pomper moins, toutes choses égales par ailleurs, et cela nécessite des prix plus bas pour forcer un ralentissement de la production, en particulier dans le secteur américain du schiste, sensible aux prix et à cycle court.
En reportant les premières augmentations de production jusqu’en octobre et en les conditionnant aux conditions futures du marché, les ministres de l’OPEP⁺ se sont accordés une certaine flexibilité.
Ainsi, lors de la fin du mois de mai, les prix à terme du pétrole sont tombés à leur plus bas niveau depuis quatre mois et les spreads calendaires se sont effondrés. Les contrats à terme sur le Brent du premier mois ont clôturé à 78 dollars le baril le 3 juin, premier jour de négociation après la réunion ministérielle de l’OPEP⁺ tenue le 2 juin.
L’écart sur six mois du Brent a chuté à un backwardation de 1,50 $ le baril contre une moyenne de 2,85 $ en mai et de 4,86 $ en avril. Les spreads intermensuels pour le reste de 2024 et jusqu’en 2025 se sont tous adoucis, les traders s’attendant à ce que l’augmentation de la production de l’OPEP⁺ élimine toute menace de pénurie ou de baisse des stocks.
Dans la semaine du 3 juin, celle qui a suivi cette réunion, les prix sur les deux principaux contrats de pétrole avaient fortement baissé. Les hedge funds ont vendu des volumes records de pétrole. Ils ont vendu l’équivalent de 194 millions de barils dans les six contrats à terme et d’options les plus importants au cours des sept jours se terminant le 4 juin.
Les ventes de fonds ont été les plus rapides jamais enregistrées depuis au moins 2013, lorsque la Commodity Futures Trading Commission des États-Unis et ICE Futures Europe ont commencé à publier des données dans le format actuel.
Les ventes de brut en général et de Brent en particulier ont également été les plus rapides jamais enregistrées, les négociants ayant conclu que le marché du brut serait confortable pendant le reste de l’année et jusqu’en 2025.
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Les prix remontent au début de juin mais l’incertitude demeure
Les prix ont commencé à rebondir dès le 5 juin, sur le contrat WTI, les prix sont passés d’un plus bas de 4 mois à 73 dollars le 3 juin à 80 dollars le baril le 17 juin, et pour le Brent, les prix sont passés de 77 dollars le baril le 3 juin à 84 dollars le baril le 17 juin.
De fait, les gérants ont racheté la semaine se terminant le 11 juin, une partie du pétrole qu’ils avaient vendu la semaine précédente après que l’Arabie saoudite et ses alliés de l’OPEP⁺ aient souligné que toute augmentation future de la production dépendrait des conditions du marché.
Les hedge funds et autres gérants de fonds ont acheté l’équivalent de 80 millions de barils dans les six contrats à terme et d’options pétroliers les plus importants au cours des sept jours se terminant le 11 juin.
Les achats ont annulé environ 40 % des 194 millions de barils vendus la semaine précédente après que l’OPEP⁺ ait surpris les investisseurs en annonçant son intention de commencer à augmenter sa production à partir de début octobre.
Au cours de la semaine la plus récente, la vague d’achats a été menée par le brut (+68 millions de barils), réparti entre le NYMEX et l’ICE WTI (+42 millions) et le Brent (+26 millions), annulant certaines des fortes ventes d’une semaine plus tôt. En effet, le 5 juin, après la constatation d’une baisse très brutale après la réunion de l’OPEP+, les membres de l’OPEP+, l’Arabie saoudite et la Russie sont intervenus sous forme de déclarations pour rassurer les marchés. Ils ont indiqué qu’ils étaient prêts à suspendre ou à annuler les accords de production, qu’ils ont discuté lors de la réunion du 2 juin.
L’OPEP+ peut suspendre ou inverser les augmentations de production de pétrole si le marché s’affaiblit, a déclaré jeudi le ministre saoudien de l’énergie. Le vice-Premier ministre russe Alexander Novak a déclaré que le groupe pourrait ajuster l’accord si nécessaire, ajoutant que la baisse des prix après la réunion était due à une mauvaise interprétation de l’accord et à des « facteurs spéculatifs ».
« Nous sommes prêts à réagir rapidement aux incertitudes du marché », a déclaré Novak au même panel d’intervenants.
Les assurances de l’OPEP sont arrivées alors que les traders digéraient des prévisions essentiellement haussières concernant la demande mondiale de pétrole. L’Energy Information Administration des États-Unis a relevé son estimation de la demande mondiale de pétrole à 104,5 millions de barils par jour pour l’année prochaine, contre une prévision précédente de 104,3 millions de b/j, tandis que l’OPEP a maintenu ses perspectives d’une forte demande mondiale de pétrole en 2024.
Toutefois, à l’opposé, l’Agence internationale de l’énergie a réduit ses prévisions de demande mondiale de brut pour 2024 de 100 000 barils par jour, à 960 000 b/j. De plus les tensions géopolitiques persistent malgré des nouvelles discussions au sujet d’un cessez-le-feu entre Israël et le Hamas. Dernièrement, le Hamas a proposé de nombreux changements, certains irréalisables, à une proposition de cessez-le-feu avec Israël à Gaza soutenue par les États-Unis, a déclaré mercredi 12 juin, le secrétaire d’État américain Antony Blinken, ajoutant que les médiateurs étaient déterminés à combler les écarts.
Lors d’une conférence de presse avec le Premier ministre du Qatar à Doha, Blinken a déclaré que certaines des contre-propositions du Hamas, qui dirige Gaza depuis 2007, visaient à modifier les conditions qu’il avait acceptées lors de négociations précédentes. La guerre n’a pas encore affecté de manière significative l’offre mondiale de pétrole, mais les investisseurs ont intégré le risque, faisant grimper les prix à terme du brut.
En outre, les craintes d’une guerre plus large au Moyen-Orient ont persisté après que l’armée israélienne a déclaré dimanche que l’intensification des tirs transfrontaliers du mouvement Hezbollah libanais vers Israël pourrait déclencher une grave escalade.
Sur le plan, macroéconomique, les données d’inflation américaines plus faibles observées en mai, a suscité l’espoir d’une baisse des taux plus rapide, ont également contribué à renforcer le sentiment à l’égard du pétrole, beaucoup tablant désormais sur deux baisses de taux pour l’année.
C’est pour cela que les investisseurs surveillent de près le futur de la politique monétaire de la Réserve fédérale. Le mercredi 12 juin, la FED publiait ainsi son traditionnel communiqué de presse post-FOMC. Sans surprise, cette dernière a décidé de laisser le niveau de ses taux directeurs inchangés, à 5,25%-5,50%, mais ne prévoit désormais qu’une seule réduction de taux pour l’année, car l’inflation devrait être plus élevée que prévu, contre trois estimations antérieures en mars.
En revanche, l’institution a également publié ses projections économiques pour les années à venir : l’indice des prix des dépenses de consommation personnelle de base, la mesure d’inflation privilégiée par la Fed, devrait s’établir à 2,8 % en 2024, contre une prévision précédente de 2,6 %. Pour 2025, l’inflation est estimée à 2,3 %, contre 2,2 % auparavant.
Sur le marché du travail, le taux de chômage était prévu à 4% cette année, inchangé par rapport aux prévisions précédentes de mars, mais il devrait désormais s’accélérer pour atteindre 4,2% l’année prochaine, en hausse de 0,1% par rapport à une prévision précédente de 4,1%.
Les membres de la Fed prévoient désormais que le taux de référence chutera à 5,1 % cette année, ce qui suggère une seule réduction des taux en 2024, contre une estimation précédente de trois réductions en mars. En 2025, les membres de la Fed prévoient que les taux chuteront à 4,1 %, contre une prévision précédente de 3,9 %, avant de finalement baisser à 3,1 % en 2026.
La répartition des 19 participants du FOMC est assez intéressante : 4 n’affichent aucune réduction cette année, 7 affichent une seule réduction et 8 affichent deux réductions. Ainsi, la plupart des fonctionnaires s’attendent toujours à deux réductions et la décision est serrée quant à savoir s’il faut procéder à une ou deux réductions.
Lorsqu’on a demandé à Jérôme Powell si une baisse des taux en septembre est possible s’il y a encore un ou deux bons mois de chiffres d’inflation. Il dit qu’ils envisagent « une gamme de résultats plausibles. Il n’exclut ni l’entrée ni l’exclusion de quoi que ce soit.
En tout cas, le constat final est le même : l’inflation doit ralentir davantage. Il n’y a aucune raison de baisser le niveau des taux directeurs, et ce d’autant plus que l’économie américaine reste forte pour le moment.
On a également la Chine, qui montre toujours des signes mitigés de reprise économique : la production industrielle de mai a augmenté de 5,6% par rapport à l’année précédente, selon les données du Bureau national des statistiques (BES), en ralentissement par rapport au rythme de 6,7% enregistré en avril et en deçà des attentes d’une hausse de 6,0% selon une enquête Reuters auprès des analystes.
D’autres données ont montré que les prix de l’immobilier ont chuté au rythme le plus rapide depuis une décennie en mai, soulignant les tensions persistantes dans le secteur immobilier. L’investissement immobilier a chuté de 10,1 % sur un an en janvier-mai, après une baisse de 9,8 % en janvier-avril. Les prix des logements neufs ont baissé de 0,7% en mai par rapport à avril, marquant la 11e baisse mensuelle consécutive et la plus forte baisse depuis octobre 2014, selon les calculs de Reuters basés sur les données du BES.
Enfin, dernièrement, on a eu trois rapports de l’EIA, qui font constat d’une augmentation des stocks de pétrole (brut et produits pétroliers raffinés) de 39,3 millions de barils. Saisonnièrement, nous avons des augmentations pendant cette période (typiquement 15-20 millions de barils sur une période de trois semaines), mais celles de 2024 sont plus grandes de plus de 20 millions de barils par rapport à la moyenne.
Les augmentations des 3 dernières semaines sont dues à une combinaison d’une hausse plus forte que la normale des importations nettes (principalement du brut) + une prise en charge par les raffineries proche du record (c’est pourquoi les augmentations apparaissent principalement dans les produits, et non dans le brut) + une certaine baisse de la demande implicite.
Dans l’ensemble, la demande implicite et surtout la demande de carburants pour le transport semble correcte, elle était faible il y a quelques mois, mais s’améliore. Le pic de mai pour les importations nettes est saisonnier, lais la hausse de cette année est simplement plus importante par rapport à la moyenne annuelle.
Alors, aujourd’hui les contrats sur le pétrole sont tiraillés entre plusieurs facteurs : les perspectives économiques encore incertaines pour les principales régions économiques, l’incertitude concernant le futur de la politique monétaire américaine, les négociations pour un potentiel cessez-le-feu à Gaza, les attentes sur la consommation de carburant pendant la saison estivale américaine, et l’évolution des stocks à l’échelle mondiale.
Tout cela engendre qu’il faut s’attendre à ce que les prix du pétrole restent dans la fourchette de 77-90 dollars pour le baril de Brent et 72-85 dollars le WTI pour les prochaines semaines.
Vincent Barret
Auteur
Expert en Finance de Marché et Matières Premières, Vincent est passionné par leur impact géopolitique et macroéconomique.
Avec un solide parcours, il s’engage à démocratiser la compréhension des matières premières.
À travers ses écrits dans nos chroniques Finneko, Vincent aide à mieux appréhender le monde économique, pour des choix d’investissement éclairés.
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