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L’immobilier commercial : anatomie d’une chute

 

Pour cette nouvelle tribune économique, nous avons décidé d’aborder un sujet très concret puisqu’il est connexe au marché de l’immobilier chers à nos épargnants français : l’immobilier commercial.

l’immobilier commercial

Point introductif

« La pierre », c’est un sujet cher aux investisseurs français. Représentant pas moins de 10,8% de l’économie française en 2022, l’immobilier est considéré comme le second placement préféré des Français. Les chiffres parlent d’eux-mêmes : selon une étude de Masteos réalisé en 2021, 18% des Français avaient déjà investi dans la pierre, sous forme d’investissement locatif.

Avant d’attaquer notre sujet du jour, rappelons tout de même que l’investissement immobilier peut prendre plusieurs formes, dont les principales sont : 

  • L’immobilier direct. Généralement, les investisseurs pensent directement à la possibilité d’acheter un bien à crédit et de le mettre à la location, une option qui rassure souvent du fait de la tangibilité de l’actif, mais qui implique des charges financières et temporelles de gestion conséquentes.
  • Les SCPI. Ces sociétés « civiles de placement immobilier » offrent la possibilité de s’endetter pour en acquérir des parts, et permettent aux investisseurs de détenir un large parc immobilier et d’en assurer la gestion. Il faut généralement passer par un intermédiaire bancaire ou financier pour réaliser un tel investissement.
  • Les sociétés foncières cotées en bourse. Les investisseurs en quête d’une liquidité absolue (c’est à dire la possibilité de revendre rapidement leur investissement) se contentent d’acheter des actions de ces « foncières » en bourse. Ces sociétés ont pour seul objet de détenir et de louer un parc immobilier. Les bénéfices étant reversés sous forme de dividendes.

Cela étant dit, revenons à notre sujet initial.

L’immobilier commercial, c’est la branche qui englobe toutes les propriétés destinées à des fins commerciales, c’est-à-dire que l’exploitation de ces propriétés est vouée à générer un revenu à travers la vente et les services. Cela inclut naturellement les bureaux, les centres commerciaux, les entrepôts, et les hôtels. Notons que, contrairement à l’immobilier résidentiel, l’immobilier commercial est souvent considéré comme un baromètre de la santé économique, car il est directement lié à l’activité des entreprises. Durant la dernière décennie, l’immobilier commercial, plein de promesses, a suscité les convoitises de nombreux épargnants, mais la réalité semble l’avoir rattrapé…

l’immobilier commercial

Une classe d’actifs mise à mal…

À l’instar de Gécina, 1ère foncière européenne concentrée sur l’immobilier commercial, le marché de l’immobilier commercial traverse une véritable crise depuis le Covid-19. Alors que la société a consacré plus de 80% de son patrimoine immobilier au marché du bureau, le cours de l’action a dramatiquement chuté de plus de 40% depuis 2020. Comment expliquer une telle crise ?

Source : ProRealTime

Tout d’abord, l’immobilier commercial a énormément souffert de la mise à l’arrêt de l’économie mondiale pendant la période de Covid-19. Mais c’est surtout l’impact de la crise du coronavirus sur les modes de travail qui ont bouleversé le marché. Quel impact ? Le télétravail ! Si le télétravail s’est avéré être une solution à court-terme pour pallier les défis imposés par les confinements successifs, il est aujourd’hui devenu une partie intégrante dans notre manière de travailler. Statista soulignait qu’en 2023, 33% des Français pratiquaient le télétravail au moins une fois par semaine. Or le télétravail a un impact direct sur le marché de l’immobilier commercial : les salariés travaillant chez eux, les entreprises ont de moins en moins besoin de bureaux, la demande chute…

À cette chute de la demande se traduisant théoriquement par une chute du prix des actifs, nous devons rajouter un facteur conjoncturel dont nous ne cessons de parler tant ses impacts sur l’économie sont multiples : la hausse des taux d’intérêt. Si vous n’êtes pas à l’aide avec notion, on vous renvoie au « mot de la semaine » publié aujourd’hui également !

La hausse des taux d’intérêt, encore elle ? Pourquoi donc ? Et bien lorsque les taux d’intérêt augmentent, c’est le crédit qui coûte plus cher, pas vrai ? Or l’acquisition d’un actif immobilier nécessitant généralement un capital conséquent, c’est souvent le canal du crédit qui est mobilisé. Donc lorsque faire un crédit coûte plus, on en fait moins tout simplement : la demande chute encore !

La crise de l’immobilier commercial est donc une crise de demande, vous l’aurez compris. Comment cela se traduit-il ? Et bien lorsque les bureaux se vident, ceux qui les détiennent sont prêts à tout pour parvenir à les louer, et baissent donc logiquement leurs prix. Mais cela créé un nouveau problème, car lorsque les loyers perçus diminuent, alors qu’un crédit est à rembourser, arrive un moment où le défaut de paiement survient, forçant donc le propriétaire à « liquider » son actif (à le brader pour le dire simplement). Bingo, vous avez tout compris à la crise de l’immobilier commercial ! Voici un schéma reprenant exactement le raisonnement précédent.

Source : Finneko

Pour les sociétés cotées en bourse, les investisseurs ont revendu leurs actions, conscient de la situation que nous venons d’énoncées. Pour les sociétés non-cotées telles que les SCPI, l’affaire a été différente dans la forme, mais pas dans le fond… En effet, plusieurs SCPI ont annoncé « déprécier » le prix de leurs parts, notamment fin 2023. Cela signifie simplement que les parts sociales, l’équivalent des actions pour les SCPI, ont été réévaluées à la baisse, provoquant donc une performance négative pour les épargnants. À titre d’exemple, Amundi, le géant de la gestion d’actifs, avait annoncé le 24 juillet dernier une baisse de 12% à 17% de la capitalisation de trois de ses SCPI : Genepierre, Edissimmo et Rivoli Avenir Patrimoine. De sacrées baisses…

L’immobilier commercial

Une crise qui affecte… le secteur bancaire !

« Le secteur de l’immobilier commercial en zone euro pourrait connaître des difficultés durant des années, faisant peser un risque sur les portefeuilles de prêts des banques, les fonds d’investissement et les assureurs ». Voilà ce que déclarait la Banque Centrale Européenne le 21 novembre dernier. Mais quel lien entre la stabilité du système bancaire et l’immobilier commercial ?

En réalité, le lien est assez logique. Il est de plus en plus difficile de rembourser les crédits liés à l’immobilier commercial. Puisque les revenus issus de l’exploitation des actifs (les loyers plus simplement) sont en chute libre, rien ne garantir le remboursement de la dette contracté : le problème des sociétés immobilières devient donc le problème des banques !

Concernant les fonds d’investissement et les assurances, le lien est encore plus simple puisque l’immobilier commercial a été un moyen pour eux d’investir leur trésorerie, avec les risques que cela comporte

Cette menace n’a jamais été autant d’actualité : alors que Goldman Sachs a récemment souligné que « 1 200 milliards de dollars de prêts hypothécaires commerciaux devraient arriver à échéance cette année et l’année prochaine », une banque a été dans la tourmente la semaine passée. La « New York Community Bancorp », une banque régionale américain, a perdu 60% de sa valeur en bourse entre le 30 janvier et le 6 février. Un véritable mouvement de panique s’est opéré, alors que l’institution bancaire a publié de mauvais résultats en raison de son exposition… à l’immobilier commercial !

Source : ProRealTime

L’année dernière, Agnès Benassy-Quéré (sous-gouverneur de la Banque de France) disait de l’immobilier commercial qu’il était « la première vulnérabilité » du système financier français. Même si l’immobilier commercial ne représente que « 3,3% des actifs des banques et 8,4% chez les assureurs, des expositions qui restent contenues. »

En espérant que votre épargne n’ait pas été touchée par cette crise, sachez que le sujet demeure donc brulant, et que la situation des banques doit être surveillée à cet égard. À suivre donc…

Martin Decanter

Martin Decanter

Analyste, auteur et coach - Certifié AMF

Martin, expert en macroéconomie et pédagogue, combine formation en finance et expériences en gestion de patrimoine et analyse stratégique.

Au sein de Finneko, il est responsable des analyses économiques et œuvre pour démocratiser l'accès à l'investissement notament via des contenus vidéo (Formation et Youtube).

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