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Les banques centrales : pilotes de l’économie mondiale
Parmi tous les concepts économiques qu’il est important de maîtriser, aujourd’hui nous abordons sans doute le plus important : les banques centrales.
Dernièrement, ces institutions font l’objet d’une attention particulière (teaser : c’est lié à l’inflation). Mais pour le comprendre, il est essentiel de bien saisir le rôle de ces institutions, et surtout les leviers d’action dont elles disposent pour mener à bien leur mission. Cela tombe bien, c’est l’exercice que nous vous proposons aujourd’hui.
Les bANQUES CENTRALES
Introduction historique
L’histoire des banques centrales débute en 1668 avec la Riksbank suédoise. À cette époque, la Suède enchaîne les conflits militaires (les fameuses « Guerres du Nord »). Pour faire face aux besoins de financement nécessaires à la menée de ces combats, la Riksbak est créée. Le mécanisme est alors très simple : créer une institution capable de financer la dette publique sous forme d’émissions de titres de dette. C’est d’ailleurs dans cette même perspective que la Banque d’Angleterre sera fondée en 1694, alors que le conflit avec la France fait rage. Vous l’aurez compris, le rôle initial des banquiers centraux était de financer les dépenses de leurs états de tutelle. Toutefois, ce rôle a beaucoup évolué au fil des siècles.
En ce sens, le 19ème siècle est clé. L’Occident connaissant alors sa « révolution industrielle », les marchés financiers font leur apparition (on ne peut plus logique, puisqu’il l’industrie devait être financée). Conséquence directe : divers épisodes de spéculation se mettent en place, et la stabilité du système financier est questionnée à maintes reprises (cf. « krach de la bourse de Vienne, 1873). Face aux faillites bancaires, les banques centrales se transforment alors en sauveurs, plus précisément en « prêteurs de dernier ressort » puisqu’elles n’hésitent pas à « renflouer » les banques au bord du gouffre afin de protéger l’ensemble du système. Les banques centrales ne sont alors plus seulement les banquiers des États, elles sont aussi les garantes de l’ensemble du système financier.
Et puis, vient l’année 1913 et la création de la Federal Reserve, la banque centrale des États-Unis. Au départ, le rôle de l’institution consiste à gérer de manière centralisée la quantité de dollars en circulation, alors même que certains États américains se développent plus rapidement que d’autres. Toutefois, le rôle de la « FED » évoluera tout au long du siècle, de la Grande Dépression des années 1930s qui fera naître (encore) la nécessité d’une institution garante de la stabilité du système financier, aux « Trente Glorieuses » et au boom de l’économie américaine qui fera naître le besoin d’une institution capable de juguler l’inflation.
Précisons ce dernier propos, car il devrait vous faire écho à une situation quelque peu contemporaine. Pour rappel, la période de l’après-guerre consacre un développement économique inédit en Occident, et particulièrement aux États-Unis : ce sont les fameuses « Trente Glorieuses ». En parallèle de cette forte croissance économique, des périodes d’inflation forte surviennent, rognant ainsi le pouvoir d’achat des ménages. Dans ce contexte, le rôle de la FED évolue progressivement : elle devient peu à peu la garante de la stabilité des prix dans l’économie américaine. Comment ? C’est ce que nous allons maintenant voir.
les banques centrales
Du rôle des banquiers centraux à leurs outils
Précisons tout de suite qu’il nous sera impossible de dresser un panorama complet de l’ensemble des « outils » utilisés par les banquiers centraux pour mener à bien leur mandat (notre tribune n’en serait qu’indigeste). Aujourd’hui, l’idée est de donc de nous concentrer sur les outils qui font l’actualité économique.
Aussi, nous avons fait le choix de nous concentrer sur deux banques centrales pour étayer nos propos : la Banque Centrale Européenne (BCE) et la Federal Reserve (FED). Pour la première, l’objectif est unique : assurer la stabilité des prix dans la zone euro (le taux d’inflation cible étant de 2%). Pour la seconde, l’objectif est double : assurer la stabilité des prix tout en favorisant au maximum le plein emploi.
Pour répondre à ces problématiques, les banques centrales disposent d’abord de leurs fameux « taux d’intérêt directeurs ». Or pour les comprendre, encore faut-il bien comprendre comment le système bancaire fonctionne. Le schéma ci-dessus tend à vulgariser l’organisation du système :
En clair, les banques que vous connaissez, celles qui vous prêtent de l’argent pour acheter un bien immobilier par exemple, c’est ce qu’on appelle des banques de « second rang ». Mais ces banques, pour vous prêter de l’argent, l’emprunte (notamment) elles-mêmes aux banques de « premier rang » : les banques centrales. Comprenons une chose, puisque les banques restent des entreprises à la recherche du profit, elles gagnent de l’argent en vous prêtant « plus cher » que ce qu’elles empruntent aux banquiers centraux ! C’est la raison pour laquelle le niveau des taux d’intérêt directeurs exerce un impact direct sur le marché du crédit ! Et nous vous l’avions déjà expliqué dans notre article sur les « taux d’intérêt », mais des taux plus élevés sont synonymes d’un crédit plus cher, dés-incitant les ménages à emprunter pour investir/consommer, et les entreprises de même ! En clair, la hausse des taux freine l’activité économique et, qui plus est, freine « normalement » l’inflation (et inversement, évidemment)
Le deuxième outil, souvent moins connu (et pourtant ô combien important), c’est la possibilité d’ajuster la quantité de monnaie qui circule dans l’économie : ce qu’on appelle la « masse monétaire ». L’utilité ? En réalité, elle est assez simple à comprendre. Comprenons que dans l’absolu, tout n’est « qu’offre et demande », le prix n’étant fonction que de l’équilibre trouvé. Pour la monnaie, le raisonnement analogue s’applique : le prix d’une monnaie dépend donc de la demande (la confiance qu’on les agents dans sa détention) et l’offre (la quantité de monnaie disponible). Si la quantité de monnaie devait augmenter, la monnaie serait « moins rare » et elle perdrait en valeur. Conséquence directe : l’inflation (n’hésitez pas à relire notre tribune dédiée au concept). Or les banquiers centraux ont le pouvoir d’influencer la quantité de monnaie en circulation dans l’économie : s’ils souhaitent la diminuer, on parle de quantitative tightening, s’ils souhaitent l’augmenter, on parle de quantitative easing.
Si les termes sont barbares, les mécanismes sont en réalité assez simples à comprendre : les banques centrales ont la capacité d’acheter et de vendre des titres financiers sur les marchés sans limite. Pourquoi ? Car elles détiennent le pouvoir de création monétaire. Par exemple, dans le cas d’un quantitative tightening, les banques centrales « vendent » sur les marchés des titres qu’elles détiennent (comme des titres de dette publique par exemple), la contrepartie étant un encaissement « cash ». Mais ce cash, à la minute où la banque centrale le « récupère », est détruit (car la banque centrale est souveraine monétairement parlant). Et voilà, la masse monétaire diminue, accompagnant les pressions à la baisse sur l’inflation.
les banques centrales
De la politique monétaire à l’impact sur les marchés boursiers
Comment interpréter les décisions des banquiers centraux, en tant qu’investisseur ? Voilà la grande question « pratique » de notre sujet. Précisions d’avance que, s’il existe des interprétations théoriques aux décisions de politique monétaire, rien ne dit que la réalité financière sera-t-elle.
Prenons un cas de figure plus que contemporain : une économie inflationniste. Dans ce cas, la réaction théorique de la banque centrale de tutelle, c’est d’augmenter le niveau des taux d’intérêt directeurs et de réduire la quantité de monnaie en circulation.
Sur le marché des obligations (de la dette cotée donc), le mécanisme est assez simple : les obligations anciennement émises à des taux plus faibles perdent de la valeur, les investisseurs préférant détenir de nouvelles dettes indexées dont les taux sont devenus supérieurs. Par conséquent, toutes choses égales par ailleurs, le marché des obligations déjà émises chute.
Sur le marché des actions, un arbitrage théorique s’opère : la remontée des taux implique nécessairement que les États et les entreprises qui émettent des obligations, le fassent à des taux plus élevés et donc plus attractifs. Or, puisque les obligations sont par nature moins risquées que les actions, les investisseurs soucieux de maximiser le couple rendement/risque sont plus à même de se rediriger vers ce type d’obligations, et donc de délaisser des titres jugés plus « risqués », tels que les actions tech. Ainsi, théoriquement, le marché des actions est davantage boudé.
En 2022, alors que la FED remontait progressivement ses taux d’intérêt, le S&P500 (qui illustre la dynamique boursière des États-Unis), avait perdu près de 20% sur l’ensemble de l’année.
Martin Decanter
Analyste, auteur et coach - Certifié AMF
Martin, expert en macroéconomie et pédagogue, combine formation en finance et expériences en gestion de patrimoine et analyse stratégique.
Au sein de Finneko, il est responsable des analyses économiques et œuvre pour démocratiser l'accès à l'investissement notament via des contenus vidéo (Formation et Youtube).
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